#Equateur : Au pays des séismes et des volcans, les startups redoublent de courage

2e98453Pour l’Equateur et son peuple, 2015 fut une « Annus Horribilis » : une forte sécheresse due au phénomène El Nino, une instabilité politique causée par une crise économique naissante ainsi que l’éruption d’un des volcans les plus dangereux du monde. C’était en Août dernier, le Cotopaxi culminant à 5897m d’altitude venait de rentrer en éruption. Situé à seulement 31km de la capitale, les résidents de Quito ne semblent pourtant pas s’en inquiéter. Il y a moins d’un mois, un séisme de magnitude 7,8 a ébranlé le pays avec un bilan lourd de plus 660 morts et plus de 4600 blessés. Profil d’un petit pays coincé dans les Andes entrant dans l’ère du numérique. Par Brian O’Hagan, expert et connector StartupBRICS en Amérique Centrale.

Les changements ne viendront pas des politiques mais des entrepreneurs : l’espoir repose là pour l’Equateur.

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Les habitants de ce pays sont d’un naturel optimiste. « L’entrepreneuriat par nécessité est très fort ici. Par exemple, cela fait 2 semaines qu’un nouveau vendeur de fruit s’est installé en bas de chez moi. Les affaires marchent ce qui lui a permis d’investir dans une nouvelle machine avec son fils qui l’aide » m’explique Pauline Billotte, la directrice des opérations de Kruger Labs. C’est à l’image du pays : un esprit entrepreneurial très présent mais demeurant souvent familial et classique. En Equateur, les entrepreneurs-stars proviennent des industries traditionnelles telles que le pétrole (51% des exports du pays), le bâtiment ainsi que l’export de matières premières (les bananes représente 12% des exports). L’ingénierie civile reste la voie la plus prisée, le gouvernement socialiste de Rafael Correa ayant beaucoup investi ces 10 dernières années dans l’amélioration des infrastructures du pays.

« L’entrepreneuriat par nécessité est très fort en Equateur ».

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Un gouvernement fait de promesses sans lendemains

Un écosystème innovant a commencé à émerger sous l’impulsion du gouvernement et de ses municipalités. Tout a commencé en 2010 avec l’aménagement des premiers espaces de co-working à Quito, capitale administrative et culturelle du pays, tel que QuitoTech lancé par l’initiative municipale pour développer l’entrepreneuriat Conquito. Par la suite, de nouveaux espaces de co-working et d’incubateurs privés sont apparus se muant parfois en véritable programme d’accélération tels que Kruger Labs à Quito et Innobis à Guayaquil. De jeunes créateurs ont pu commencer à se retrouver, à s’associer dans un cadre plus structuré. L’émergence de ces espaces n’est pas une condition pour l’innovation mais il est devenu un catalyseur : les entrepreneurs déjà présents à Quito se sont plus facilement rencontrés afin de partager leurs innovations. L’investissement public fut bénéfique pour amorcer un changement de mentalité au sujet de l’entrepreneuriat, le rendant plus accessible et ambitieux.

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Malheureusement certaines promesses du gouvernement n’ont pas été honorées à l’image du concours Banco de Ideas. Lancé il y deux ans, les startups participant à ce concours pouvaient gagner des bourses allant jusqu’à 50 000 dollars, une somme importante pour des startups en seed stage. Plusieurs startups de chez Kruger Labs ont gagné le prix final mais l’argent n’a jamais été versé. Les entrepreneurs ne comptent donc plus uniquement sur le gouvernement. « On dit à nos startups qu’ils ne peuvent pas compter sur cet argent avec la crise économique et les élections qui arrivent » me confirme Pauline Billotte. Les changements dans le pays ne viendront pas des politiques mais des entrepreneurs : l’espoir repose là pour l’Equateur.

L’émergence des premiers champions

Il reste donc tout à faire en Equateur. Les opportunités ne manquent pas. « On est habitué aux crises, cela développe notre résilience, notre adaptabilité » m’indique Martin Acosta, fondateur du Kiwa Summit. Martin a organisé la première conférence entrepreneuriale digne de ce nom dans le pays en juin 2015, avec des intervenants de première catégorie venant du monde entier tel que Tom Chi créateur des Google Glass ou encore Abigail Noble, directrice des investissements d’impact à la Banque Mondiale. L’événement avait pour but d’aider les startups sélectionnées à trouver des financements et à développer leurs réseaux. Seulement deux petites semaines après, les entreprises présentes avaient réussi à lever de nouveaux fonds à hauteur de $10,7 millions selon ProEcuador.

Ces entrepreneurs deviendront le socle de l’écosystème de demain.

Kruger Labs semble être un des nouveaux acteurs majeurs de cet écosystème après avoir incubé les deux plus belles startups du pays. D’un coté Cuestionarix, startup d’éducation qui aide les bacheliers à préparer leurs examens d’entrée à l’université, revendique plus de 140,000 utilisateurs. Ils se sont récemment installés aux Etats-Unis afin de pouvoir se lancer dans de nouveaux marchés Sud-Américain (Pérou, Costa Rica, …). De l’autre coté, yaesta.com est devenu le premier site d’e-commerce du pays. Il pourrait devenir le premier « exit » du pays si Linio (le géant de l’e-commerce Sud-Américain) souhaite consolider sa présence dans le pays. Depuis 2 mois, Kruger Labs a lancé la première saison de son programme d’accélérateur. On peut y trouver d’autres pépites tel que Credipy, une application du secteur Fintech pour faciliter l’inclusion financière ou encore The Wawa des livres en réalité augmentée pour apprendre l’anglais aux enfants.

La crise économique = rupture = de nouvelles opportunités ?

Nicolas Colin, co-fondateur de TheFamily soutient l’idée qu’un écosystème entrepreneurial nécessite trois ingrédients : du capital, du savoir-faire et de la rébellion.

• Le capital disponible pour les startups en Equateur est quasi-inexistant. On n’y trouve aucune entreprise de capital risque. Les dollars (monnaie utilisée en Equateur) des grands patrons sont siphonnés vers les Etats-Unis pour éviter les taxes rédhibitoires du pays à l’exception de quelques investisseurs tels Isabel Noboa ou Ernesto Kruger fondateurs respectifs d’Innobis et de Kruger Labs. Malgré cela, des investisseurs étrangers croient dans le potentiel du pays tels que ceux présent lors du Kiwa Summit.

• Le savoir-faire est très faible. Il y a un manque incontestable de mentors et de guides bienveillants, de la dimension d’un Xavier Niel en France. Il existe tout de même beaucoup d’ingénieurs talentueux. L’Equateur est un pays accueillant beaucoup d’immigrés, notamment Cubains. Le paradoxe Cubain est illustré par le manque de connectivité à internet tout en formant de très bon bon ingénieurs. Ceux-là immigrent facilement vers l’Equateur qui les accueille volontiers.

La rébellion, elle, gronde à tous niveaux de la société : les fonctionnaires récemment au chômage, l’armée, les entrepreneurs… L’activisme en Equateur est en train de réapparaître après des années de stabilité sous la présidence de Rafael Correa. Le tremblement de terre a mis en veille ces mouvements de contestations, mais le pays et sa population commence lentement à se relever pour reconstruire.

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Cuestionarix représentant l’Equateur pour la finale Seedstars en Suisse 

La crise équatorienne qui se profile sera peut être synonyme d’opportunités, grâce aux entrepreneurs. Les startups comme Cuestionarix malgré les difficultés peuvent devenir des symboles et mentors : ils nourriront de nouvelles ambitions dans le pays et au-delà en Amérique latine. Ils apparaissent prêts à réussir nationalement pour ensuite passer à l’échelle sur des territoire plus fertiles et moins contraignants, et qui parlent la même langue. Ces entrepreneurs deviendront le socle de l’écosystème de l’Equateur, et ses meilleurs ambassadeurs à l’international.

About Brian O'Hagan

Franco-Irlandais et jeune diplômé en Master d’Economie à Sciences Po Paris, Brian est passionné par le développement des pays émergents, l’entrepreneuriat et l’Amérique du Sud. Ses expériences professionnelles l’ont amené à travailler dans la finance, le tourisme et le digital. Parlant Anglais, Français, Allemand et Espagnol ; Brian est partit à la découverte de l'écosystème entrepreneurial Sud – Américain suite à ses études. Fasciné par ce continent dans lequel il a travaillé, il y rencontre les entrepreneurs qui créent et modernise cet écosystème en pleine mutation.