Depuis le 18 mars dernier, le Cameroun a décrété la fermeture de ses frontières pour lutter contre la propagation du Covid-19 dans le pays, soit moins de 2 semaines après la découverte du premier cas confirmé. Depuis, gouvernement, entreprises et société civile se démènent pour freiner la pandémie, à l’instar de la startup E-santé OuiCare, dont les médecins référencés ont répondu présent face aux questions nombreuses de la population sur le virus. StartupBRICS est parti à la rencontre d’Emmanuel ASSOM NEYENG, le CEO de OuiCare, qui, grâce à la mise en ligne d’informations vérifiées et au télé-conseils prodigués par des médecins, aide les Centres de Santé à mieux traiter les cas les plus critiques. Un nouvel exemple de l’engagement de la Tech africaine dans la lutte contre le Covid-19 ! |
Pouvez-vous décrire l’état de l’avancée du Covid-19 au Cameroun et la mobilisation du système de Santé ? Pourquoi avoir décidé de mettre en place ce module au sein de OuiCare ?
Au moment où nous parlons (le 3 mai 2020), on dénombre 2 070 cas de COVID-19 au Cameroun – dont 950 guérisons – et une soixantaine de décès. Dès le début de la pandémie, les autorités camerounaises de santé ont mobilisé tous leurs efforts pour essayer de juguler sa progression. La pression était palpable. C’est pour alléger cette pression que nous avons souhaité développer un module spécifique Covid, sur une nouvelle itération de Ouicare. Ce module comprend entre autre les statistiques de la maladie au Cameroun et dans le reste du monde, ainsi que des conseils pour se prémunir de cette pandémie. En outre, des articles informatifs ont été conçus spécialement et deux nouveaux modules ont vu le jour. Le module forum premièrement, pour permettre aux médecins de répondre aux inquiétudes des utilisateurs et le module téléconseil ensuite, pour permettre aux usagers de contacter directement un médecin par vidéo. Cette seconde fonctionnalité permet ainsi de poser toutes ses questions aux professionnels de santé sur le coronavirus, et de leur exposer ses symptômes pour qu’ils déterminent si une prise en charge en centre hospitalier est nécessaire. Le médecin pourra par la suite suivre à distance son patient et contrôler sa guérison. Ce module a pour impact direct de limiter les déplacements, et ainsi d’éviter de se retrouver dans un centre hospitalier pour une pathologie qui peut être diagnostiquée et traitée à distance, les médecins auront alors plus d’espaces et plus de temps pour se concentrer sur les personnes atteintes du COVID-19.
Êtes-vous en contact avec les autorités sanitaires camerounaises pour le développement et la diffusion de votre module dédié au Covid-19 ? Votre plateforme donne accès aux derniers articles sur l’épidémie : comment choisissez-vous ces articles ? Certaines publications, qu’elles soient officielles ou qu’elles soient scientifiques, demeurent non-vérifiées, polémiques voire trompeuses : comment faites-vous le tri ?
En ce qui concerne la campagne de lutte contre le COVID-19, nous avons déjà déposé une lettre de demande d’audience auprès des autorités. Celle-ci nous permettra de démontrer l’impact positif de la solution sur la population, et toutes les collaborations possibles avec les autres acteurs. Mais OuiCare est en contact avec les autorités sanitaires bien longtemps, dans le cadre des formations sanitaires que nous assurons. Quand ils ont eu connaissance du module Covid-19, ils ont souhaité pouvoir contrôler l’information mise à disposition des usagers, d’où cette demande d’audience. Aujourd’hui, nous diffusons uniquement des informations émanant des autorités sanitaires et de l’Organisation Mondiale de la Santé.
En ce qui concerne le choix des articles à rendre disponible sur notre plateforme, il répond au besoin d’information des utilisateurs. Nous avons ainsi reçu un très grand nombre de questions relatives aux femmes enceintes, et avons donc décidé de faire un article sur le sujet. Il faut comprendre qu’avec la pandémie, beaucoup de polémiques ont vu le jour avec un grand nombre de Fake news, notamment sur la prétendue résistance des africains à ce type de maladie, mais également sur divers traitements farfelus. Pour lutter contre ce mouvement et dans le cadre de notre mission d’information, nous ne relayons donc que des informations de sources officielle et fiable.
Avez- vous des chiffres sur l’utilisation de votre plateforme ? Téléchargements, nombre d’appels, vues sur votre plateforme..?
Qui sont les médecins qui officient sur OuiCare, et quelle est leur motivation à effectuer ce travail ?
Le développement du module et la réponse aux populations a du entrainer une surcharge de travail pour vos équipes : comment faites-vous face à cela aujourd’hui ?
Depuis le début de la campagne de OuiCare sur le COVID-19, le trafic sur notre plateforme a considérablement augmenté : de l’ordre de 45%. Ce qui donne effectivement une charge de travail accrue pour nos médecins. Ils sont sollicités de toutes parts : depuis notre compte Facebook, twitter et sur la plateforme elle même. Nous avons ainsi plus de 15 médecins qui ont accepté de mettre chaque jour – et cela bénévolement – 2 heures de leur temps à disposition de OuiCare pour répondre aux appels et aux messages des utilisateurs. Ensuite, deux médecins sont disponibles en permanence pour assurer une écoute 24h /24 sur nos différents canaux de communication : eux font partie de l’équipe OuiCare.
Pour vous donner quelques chiffres, plus de 50 000 personnes ont été enregistrées sur notre plateforme depuis le début de la pandémie, avec près de 1 000 consultations réalisées via notre module « forum » de téléconseil. La répartition géographique de nos utilisateurs est telle que suit : Centre 40.3%, littoral 34.1%, ouest 9.2%, extrême nord 4.0%, nord 2.6%, Adamaoua 3.1%, est 1.6%, sud 1.8%, nord ouest 2.0% et sud ouest 1.3%. Nous avons 56% de femmes pour 44% d’hommes, âgés de 18 à 45 ans.
La charge de travail est d’autant plus importante pour nos équipes que nous sommes toujours en mode « Bootstrapping », ce qui nous oblige à ne dépenser que pour les postes inévitables. Mais tous ces modules que nous avons développés serviront après la pandémie. C’est un très bon exercice pour notre jeune startup, qui permet entre autre de renforcer l’équipe et ensuite de démontrer notre capacité à faire beaucoup avec peu.
L’utilisation de ce module spécial Covid va t’elle nourrir l’utilisation générale de votre solution ? Avez-vous des utilisateurs qui sont venus sur votre plateforme pour obtenir des réponses au Covid-19 et qui ont ensuite demandé à utiliser vos autres services ou est-ce plutôt l’inverse ?
Il est clair que cette pandémie a eu une incidence positive sur le taux d’utilisations de OuiCare. En effet, nous sommes passées d’un taux d’utilisation de 53% en moyenne à 82% actuellement. Beaucoup sont venus sur la plateforme pour avoir des informations et des réponses au COVID-19. En temps normal, nos utilisateurs sont exclusivement à Yaoundé et à Douala, mais nous comptons bien convertir les personnes des autres régions en utilisateurs, et pour cela nous avons besoin de déployer Ouicare dans ces régions-là, donc de financement.
Le Cameroun est en proie à une importante crise politique et sécuritaire : comment atteindre les populations aux prises avec le conflit dans la lutte contre le Covid ? Votre application est-elle disponible dans les langues locales du Cameroun ?
Le taux de pénétration du mobile au Cameroun selon l’agence de régulation des Telecom est de plus de 80%. Ce qui signifie que le mobile peut être le canal par excellence pour communiquer avec les populations dans les zones en proie à l’insécurité. Ouicare étant une application mobile, elle demeure un des vecteurs privilégié pour toucher ces populations, mais en raison de l’absence de connexion internet dans toutes les régions, nous réfléchissons à une solution USSD. Nous travaillons également activement à la traduction de la plateforme en langue anglaise, afin d’atteindre plus de personnes dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest, qui sont à majorité anglophone. Nous passerons ensuite aux langues locales et à une version audio pour les mal voyants et les analphabètes. Nous aurons alors plus que jamais besoin de financement pour recruter les ressources nécessaires, à défaut d’avoir des bénévoles.