Al-Mentor, la principale plate-forme d’apprentissage en ligne vidéo au Moyen-Orient, a annoncé la levée de 6,5 millions de dollars en financement de série B. Le fonds de capital-risque Partech Africa a dirigé ce tour de table, avec la participation de Sawari Ventures, Egypt Ventures et Sango Capital, portant ainsi à 14,5 millions de dollars la totalité des fonds levés par l’entreprise depuis sa création.
Alors que plus de 400 millions de personnes parlent l’arabe dans le monde et que leur nombre ne cesse d’augmenter, porté par la croissance démographique du Moyen-Orient, les arabophones peinent encore à trouver des contenus éducatifs en nombre et de qualité sur Internet. C’est pour combler ce vide que la société Al-Mentor a été créée en 2016 par une équipe d’experts du monde des affaires et de l’entreprenariat qui ont combiné leur savoir et unifié leurs efforts pour devenir des pionniers dans l’industrie du e-learning régionale. Leur mission : fournir les contenus nécessaires à 400 millions de potentiels clients pour faire avancer leur carrière professionnelle et leur vie personnelle sur leur plateforme d’e-learning.
Coopérant avec des centaines d’éducateurs et d’experts, la plateforme propose des cours et des conférences (en arabe et en anglais) dans divers domaines, tels que les ressources humaines, la gestion, le style de vie, le théâtre, le sport, les affaires, la communication d’entreprise et les médias numériques. Les contenus vidéos sont développés en interne dans les bureaux que dispose l’entreprise à Dubaï, au Caire et en Arabie saoudite. Et le succès semble au rendez-vous : en mai 2021, Al-Mentor comptait plus d’un million d’apprenants enregistrés et 12 000 vidéos de haute qualité. Plus de 80 partenariats ont été signés par des entreprises et des structures publiques (notamment des universités et des ministères) de plus d’une dizaine de pays et l’entreprise ne compte pas s’arrêter là.
Un projet qui a convaincu le fonds de capital risque Partech Africa
La pandémie du Covid-19 a déjà été un accélérateur salutaire pour l’entreprise et ses ambitions, qui augure du meilleur pour l’avenir d’Al-Mentor. Désormais plus sensibilisées à l’importance du digital, les entreprises privées ont également fait appel en plus grand nombre aux services d’Al-Mentor, développant ainsi l’offre BtB sur lequel l’entreprise voulait depuis peu prioriser son développement. Discussion en profondeur avec Ihab Fikry, le fondateur d’Al-Mentor. Une interview réalisée par Samir ABDELKRIM
StartupBRICS : Félicitations pour cette levée de fonds ! Mes questions vont d’abord porter sur le business model et le positionnement de votre entreprise. Nous savons que les plateformes d’apprentissage en ligne sont très nombreuses et que les consommateurs ont tendance à être inondés de contenus digitaux. Comment vous démarquez-vous et quel est le positionnement spécifique d’Al-Mentor sur le marché ?
Ihab Fikry : Al-Mentor s’adresse aux personnes qui ne peuvent pas apprendre de langues autre que l’arabe. Notre solution est principalement pensée pour les personnes de tous âges du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Nous sommes au croisement de 3 industries : l’éducation, les médias et la technologie. Nous souhaitons fournir une nouvelle expérience d’apprentissage à tous les travailleurs et apprenants arabophones. Le principal message d’Al-Mentor est d’offrir une expérience vivante fiable et continue, de manière régulière sur la plateforme.
SB : Alors que tant de contenus sont disponibles gratuitement via les MOOC, sans parler des milliers de tutoriels disponibles sur YouTube, qu’est-ce qui donne réellement envie à vos utilisateurs de payer pour les vidéos fournies par Al-Mentor ? Vous avez choisi un modèle à la fois B2C et B2B2C. Pourquoi ce positionnement et comment vous adressez-vous plus particulièrement aux clients professionnels ?
Ihab Fikry : Les apprenants tiennent à s’assurer que ce qu’ils apprennent a été validé, peu importe le contenu. Ils veulent voir une légitimité, une validation académique derrière le contenu appris. Notre système de gestion de l’apprentissage permet aux apprenants de développer une vraie relation interactive avec les mentors. Ils peuvent poser des questions, passer des examens et des certificats avec eux. Les apprenants reçoivent également une notification dès qu’un nouveau cours est publié.
SB : Les apprenants arabes sont au cœur de votre stratégie. Quel est le profil type de l’apprenant Al-Mentor et quels sont ses intérêts et ses attentes en matière d’apprentissage ?
Ihab Fikry : Le marché cible regroupe les 400 millions d’habitants du monde arabe, des deux sexes, de l’Afrique du Nord aux pays du Golfe, et de 18 à 50 ans. Ils sont prêts immédiatement pour l’apprentissage en ligne.
SB : La qualité tout comme la quantité sont essentielles pour une plateforme de contenu. Comment faites-vous pour que votre plateforme cible les apprenants arabes en particulier et comment avez-vous mis en place des partenariats dédiés avec les fournisseurs de contenu, les enseignants et les universitaires ?
Ihab Fikry : Nous avons commencé par étudier l’apprentissage hors-ligne dans notre région, puis nous avons ajouté un partenariat avec partage des recettes avec les meilleurs éducateurs et experts de notre région. Tous ces mentors suscitaient déjà l’intérêt, ils avaient leur écosystème et leurs élèves qui voulaient les suivre. Le défi est arrivé avec la COVID. Le point de départ était d’avoir le bon partenaire. Les mentors avaient besoin d’une qualité élevée de travail. Et aussi du point de vue de la conception, pour transformer le contenu hors-ligne en contenu en ligne dernier cri.
SB : Comment la pandémie a-t-elle affecté vos consommateurs et quel a été l’impact sur leur vie ?
Ihab Fikry : Au début, nous avons investi du temps dans la communauté ainsi que dans les organisations et activités BtoB en général, et la nouvelle façon de faire. C’est ce qui allait finir par se produire mais la COVID a tout accéléré. Pour vous donner un exemple, pendant la COVID, nous avions 3 ans de présence dans le secteur. Lorsque la COVID est arrivé, l’angoisse était palpable et il y a eu le confinement. Alors, pour redonner à la communauté, nous avons décidé d’ouvrir la plateforme pour 3 jours. En 3 jours, nous avons donné plus que ce que nous avons donné en 3 ans. Nous avons franchi le seuil du million d’inscrits sur nos plateformes et nous avons 2 millions d’expériences d’apprentissage à succès sur la plateforme Al-Mentor.
SB : Nombreux sont les analystes à voir se profiler un mélange de pratiques numériques et physiques. Quelles tendances voyez-vous pour le marché de l’apprentissage en ligne dans les années à venir ?
Ihab Fikry : Je pense que la COVID a fait émerger de bonnes habitudes en matière d’apprentissage et de règles quotidienne d’entreprise. Nous pensons donc que beaucoup de réunions continueront sur Zoom par exemple, et que tous les programmes post-COVID seront mixtes. La salle de classe fera son retour avec une méthodologie hybride. Pour toutes les compétences non techniques et tout ce qui ne requiert pas de collaboration physique, l’apprentissage en ligne restera la norme.
SB : Vous venez de lever 6,5 M $ auprès de Partech Ventures. Comment avez-vous rencontré les investisseurs ? Vous les avez pitchés ? Sont-ils venus vers vous ? Et à présent, quelle est votre feuille de route pour vous développer autour du monde arabe ?
Ihab Fikry : Au début, nous avons sécurisé le fonds d’amorçage auprès d’un Business Angel en 2016, puis nous avons clôturé une série A avec 4,5 millions auprès de 4 investisseurs. Grâce à cela et à nos bons chiffres, nous étions en bonne position pour chercher une série B. Nous avons donc ciblé Partech avec d’autres investisseurs pour mener le cycle. Les 6,5 millions de dollars sont amenés par Partech et 3 autres investisseurs ont pris part à ce round. L’utilisation des fonds est destinée à l’acquisition et au développement de contenus car nous avons identifié plus de 138 nouveautés à intégrer à notre système de gestion d’apprentissage pour l’améliorer et pour proposer une expérience d’apprentissage parfaite à nos apprenants. La troisième chose concerne le marketing. C’est le bon moment maintenant car nous sommes en train d’ouvrir notre bibliothèque à l’abonnement. Le business model BtoC était « à la corde », alors qu’il est possible d’acheter le cours et de le conserver indéfiniment dans sa bibliothèque. Nous ouvrons à présent le modèle par abonnement avec plus de 1.000 éléments sur la plateforme. Nous pensons nous trouver dans une position nous permettant d’être en tête de cette industrie dans la région. Nous pensons aussi que de nombreux documents peuvent être utilisés sur notre plateforme : des documents, des séries, des chansons, etc.