Enthousiasmé par les résultats et les possibilités de croissance futures de la startup égyptienne Al-Mentor en Afrique et au Moyen Orient (plus d’un million d’apprenants enregistrés et 12 000 vidéos à haute valeur ajoutée), le fonds de capital-risque Partech Africa a décidé de réaliser son troisième investissement en Egypte dans la jeune pousse cairote pour un total de 6,5 millions de total. C’est le troisième tour de table que la startup boucle depuis sa création en juin 2016, pour un total de 14,5 millions de dollars. Par ce financement, Partech Africa cherche à faire de la startup EdTech le category leader indiscutable du e-learning en Afrique et au Moyen-Orient, une ambition partagée par les fondateurs d’Al-Mentor. Rencontre avec Cyril Collon, general partner de Partech Africa, qui se dit « très fier de diriger ce dernier tour de table” et confiant dans les capacités d’Al-Mentor de devenir le category leader indiscutable du e-learning en Afrique et au Moyen-Orient. Une interview réalisée par Samir ABDELKRIM
STARTUPBRICS : Hello Cyril ! Tu a qualifié récemment les fondateurs de Al-Mentor de « mission driven entrepreneur ». Pourquoi est-ce important à tes yeux ? Est-ce un critère d’investissement déterminant pour Partech Africa ?
Cyril COLLON : Le point commun de tous nos investissements réside dans la confiance absolu dans l’équipe fondatrice : Ihab Fikry et Ibrahim Kamel sont 2 entrepreneurs avec beaucoup de background, une expérience de 25 ans dans des multinationales. Ils sortent de leur zone de confort dans un but précis : construire du contenu en langue arabe pour les besoins d’apprentissage continue et de développement personnel pour l’Afrique et la région MENA. Ils comblent un vide réel. Il faut être particulièrement ambitieux et convaincu de sa capacité à pouvoir le faire pour prendre une décision pareille. Nous les avons rencontrés alors qu’ils mènent déjà depuis 3 ans leur startup et nous avons pu observer une équipe qui a construit un produit jumelée à une stratégie cohérente y compris dans la façon d’amener le produit sur un marché où l’apprentissage continue n’est pas naturel. Cela demande d’éduquer le consommateur qui ne connaît pas ce potentiel et avoir des stratégies d’accès au consommateur qui soient très cohérentes pour pouvoir « scaler » après. Ils ont mis tout ça en place en ayant la certitude que c’était leur mission !
SB : La région MENA est largement couverte par les VC, bien plus nombreux que sur le continent africain. Pourquoi s’aventurer sur ce terrain pour Partech ? Est-ce que c’est un pivot qui va s’inscrire dans la durée
Cyril COLLON : Premier point : il ne s’agit pas d’un pivot ! Nous avons investi très tôt en Egypte, depuis plus de deux ans. Il s’agit de notre troisième investissement en Egypte, ce qui en fait notre deuxième destination dans notre portefeuille après le Nigeria. Nous avons vu naître ce marché en même temps que nous avons lancé notre fonds. Nous avons eu la chance de le voir se structurer et surtout d’y participer. Nous sommes très bien connectés avec l’écosystème local égyptien et notamment avec des fonds de série A existants comme par exemple Sawari Ventures. Cela nous permet de voir près de 80% des deals qui se font en série A en Egypte. Nous avons ainsi une vue aussi forte que celles que nous avons au Nigeria ou dans d’autres pays. On y voit des caractéristiques d’entrepreneurs assez similaires : forte emprise locale et vraie volonté à s’attaquer à des problèmes structurels et fondamentaux. C’est le cas avec Al-Mentor. Ce n’est donc pas un pivot : nous investissons “là où ça se passe” et cela se passe en ce moment en Egypte où nous investissons depuis le début de l’émergence de l’écosystème ! Même si nous ne communiquons pas forcément beaucoup dessus.
SB : Al Mentor a sécurisé grâce à vous une levée de fonds de série B à 6,5 millions de dollars, pour un total de fonds collecté par la startup de 14,5 millions de dollars. Quel est l’enjeu pour un investisseur dans ce type de tour par rapport aux autres participants du tour de table ? Et en quoi votre accompagnement diffère-t-il du série A ?
Cyril COLLON : On amène une complémentarité, nous avons la chance d’avoir autour de la table d’Al-Mentor différentes ventures, une très forte emprise locale, arabe et sous régionale importante dans le dispositif et dans la première phase. Nous intervenons pour accélérer le play et la construction du category leader pour faire en sorte que ça soit indiscutable dans un futur proche. Il faut pour cela donner un play interne, travailler avec attention la partie contenue stratégique est très importante et nous allons accélérer dessus. Nous passons également beaucoup de temps à accélérer l’usage consumer focus en développant la personnalisation, l’expérience d’e-learning, faire en sorte qu’il n’y ait aucune friction dans le modèle. Nous regardons comment construire une fluidité, une attractivité, une flexibilité encore plus puissante. Il s’agit de construire des modèles d’usages en s’inspirant de ceux que l’on a déjà pu voir sur la scène internationale. Ils ont des clients dans une dizaine de pays et nous allons essayer d’étendre leur terrain de jeu en en faisant le leader inconditionnel au MENA. Faire en sorte qu’il soit le category leader indiscutable dans les prochaines années et le plus rapidement possible.
SB : Après Moneyfellows en juin 2020, vous investissez de nouveau auprès du fonds Sawari Ventures : que peuvent apporter de telles synergies côté investisseurs d’une part et « investis » d’autre part ?
Cyril COLLON : Je pense qu’il y a une complémentarité de profils requis à différentes étapes de la trajectoire de la société. Là nous sommes vraiment dans un play très local dans son ADN : le monde arabe, le contenu, la compréhension du consommateur local qui doit être en partie éduqué, les stratégies d’accès à ce consommateur, etc… Cela demande des investisseurs qui savent ce que cela signifie et de quoi ils parlent. C’est le cas de Sawari Ventures, l’un des plus actifs sur le terrain y compris pendant la période de pandémie COVID. Nous apprécions travailler avec cette équipe très solide et très bien perçue dans les sociétés dans lesquelles ils ont déjà investi dans le passé. Nous allons donner ce « Reach » supplémentaire, un peu plus global, fournir et créer de l’optionalité à la prochaine étape.
SB : Dans le rapport Partech, le secteur Edtech ne totalise finalement que 3% des volumes levées en 2020 et 5% du nombre de deals. Est-ce que vous voyez cette tendance évoluer en 2021 ? La COVID et ses impacts ont-il joué un rôle dans votre approche d’investissement auprès de Al-Mentor ?
Cyril COLLON : Chez Partech nous apprécions les projets Edtech mais nous devons regarder d’un point de vue stratégie et voir s’ il y a des modèles scalables, monétisables et cohérents. C’est vrai que la monétisation des play Edtech a été la contrainte des dernières années mais la situation est en train de changer. Nous voyons des plays en capacité de chercher de la forte croissance sous-régionale, multi-pays et en même temps d’être en capacité de monétiser cette croissance.
Ce qui est très intéressant avec Al-Mentor c’est que ce sont des gens qui savent construire des partenariats car ils viennent de milieux professionnels où cela faisait partie intégrante de leurs métiers. Et donc dans une phase où tu adresses le consommateur, où il va falloir du temps dans la construction de la base puis de la monétisation, tu construis des partenariats très forts qui te permettent de faire du B2B2C. Ici avec des entreprises et ministères d’éducation qui ont besoin de solutions e-learning pour leurs étudiants. On vient adresser cette cible des 18-40 ans à travers différents modèles qui leur permettent de monétiser très rapidement sans avoir à structurer immédiatement sur la partie consumer une monétisation immédiate, c’est trouver des « Revenues Stream » supplémentaires qui te permettent vraiment d’accélérer ta croissance et te donner l’air et le temps de le faire. C’est tout à l’honneur d’Al-Monitor d’avoir pensé à ça.
Sur l’autre partie de ta question : 70% de la population MENA à moins de 25 ans et qui est très largement digitalisée. On trouve là un consommateur-type qui cherchent de nouveaux services à travers la digitalisation et la COVID a été un accélérateur sur ce marché naissant, très large et encore non adressé. Ça en fait une ambition très forte mené par une équipe qui maîtrise parfaitement son sujet et son exécution !