Conviés à Lavaur ce 15 octobre pour la conférence annuelle de la Fondation Pierre Fabre, Samir Abdelkrim et Julie Lanckriet intervenaient en tant que speakers pour détailler le rôle de la Tech africaine dans la réponse aux épidémies à travers la présentation d’une étude réalisée par StartupBRICS et intitulée : « La Tech au service de la lutte contre les épidémies en Afrique de l’Ouest » et en détaillant les dernières évolutions de la réponse Tech au Covid en Afrique, et leur son impact sur les écosystèmes. L’étude révèle qu’en 3 mois à peine, +180 initiatives recensées aux quatre coins du continent par l’équipe StartupBRICS. Créé en 2016 par la Fondation, l’Observatoire de la e-Santé dans les Pays du Sud (ODESS) source, documente et valorise chaque année les meilleures initiatives e-santé au bénéfice des populations les plus fragiles, avec déjà près de 30 projets financés depuis sa création et plus de 150 initiatives valorisées à travers 70 pays en Afrique et en Asie. À cette occasion, le fondateur de StartupBRICS et son bras-droit ont insisté sur le rôle pionnier de la Tech dans la gestion de l’épidémie d’Ébola qui a frappé l’Afrique de l’Ouest de 2014 à 2016, avant de détailler ses nouvelles manifestations en 2020, cette fois face au Covid. |
L’Afrique est un terreau fertile pour le développement de la E-Santé, et l’a prouvé dès 2014 face à l’épidémie d’Ébola. Tel était le point de départ de la réflexion présentée par la Direction de StartupBRICS -Samir Abdelkrim, Fondateur et Julie Lanckriet son bras-droit- lors de la Conférence annuelle ODESS 2020 organisée par la Fondation Pierre Fabre sur les outils numériques au cœur de la lutte contre les épidémies. Un constat d’ouverture qui repose sur deux observations. D’un côté, le continent manque cruellement d’infrastructures médicales conventionnelles et de personnels qualifiés : on estime en effet que pour 100 000 habitants, il n’y a que 2 médecins en moyenne. De l’autre, l’Afrique a bénéficié ces dernières années d’une démocratisation à marche forcée de l’accès au téléphone mobile : en 2020, le rapport sur la « Mobile Economy » de GSMA estimait ainsi que 45% des africains en disposait. Résultat ? Un environnement plus que favorable à l’émergence de solutions technologiques aux problèmes sanitaires qui frappent l’Afrique. Cette combinaison fertile a donné naissance à de nombreux outils de e-santé comme des plateformes de conseil, de partage ou de soutien, ou encore des applications mobiles au service de la santé. Preuve en est par les chiffres, puisqu’entre 2017 et 2020, le nombre de startups africaines du secteur “healthtech” a augmenté de +56,6% !
Et si l’Afrique est aussi active dans le domaine, c’est parce que dès 2014, elle a dû faire face à une épidémie qui a nécessité une réponse extrêmement rapide des autorités, de la société civile et du corps médical. Le digital a joué alors le rôle de catalyseur d’une réponse rapide et maitrisée à la crise en présence.
« L’Afrique est un terreau fertile pour le développement de la E-Santé, et l’a prouvé dès 2014 face à l’épidémie d’Ébola. Déficit d’infrastructures sanitaires et poussée sans précédent du mobile : deux composantes fertiles pour placer le continent à l’avant-garde des solutions d’E-Santé !«
Samir Abdelkrim, Fondateur de StartupBRICS
L’épidémie d’Ébola qui a sévit de 2014 à 2016 en Afrique de l’Ouest a ainsi coïncidé avec une période de forte expansion des technologies mobiles sur le continent africain. En deux ans à peine, le taux de pénétration du smartphone y est passé d’un quart à un tiers de la population africaine ! Devant l’urgence, on a assisté de manière expérimentale à la première manifestation à grande échelle de la gestion d’une épidémie par la tech. Cela s’est traduit sur le terrain par l’optimisation de l’ensemble de la chaine de réponse sanitaire : de la gestion logistique à la sensibilisation des populations, en passant par le traçage des cas contacts et la visualisation macroscopique et en temps réel des données sanitaires.
Pour preuve en Sierra Leone, où une série d’innovations a permis au pays de voir son taux de létalité demeurer bien plus bas que celui de ses voisins. Ce dernier y était de 28 %, contre 45% au Libéria et à 66% en Guinée. Mais plus que tout autre pays, c’est le Nigéria qui a constitué le cas d’école face à la crise Ébola. En 93 jours chrono, le pays est parvenu à contenir puis éradiquer l’épidémie du territoire : une prouesse qualifiée d’historique par l’OMS. Comme le rappelle Julie Lanckriet, il faut reconstituer le contexte de l’époque, où l’on voit arriver dans une ville de 23 millions d’habitants à la densité record -qui plus est un hub aéroportuaire continental- un virus extrêmement contagieux. Là encore, c’est l’usage de la technologie qui a été décisif.
« L’application développée à l’époque a permis à la recherche des cas-contacts d’atteindre les taux records de 100 % à Lagos et 99,8 % à Port Harcourt, et de mieux suivre les chiffres du virus, mais surtout, de faire chuter le temps de prise en charge des cas-contacts de 6 heures auparavant à 1 heure ! »
Julie Lanckriet, Bras-droit du Fondateur pour StartupBRICS
Une longueur d’avance et une expérience de terrain qui s’est avérée décisive face à l’arrivée de la pandémie de Covid-19. Cependant, alors que la Tech employée dans la réponse à Ébola a souvent été d’origine étrangère, en 2020 c’est une Tech autochtone et made in Africa qui s’est illustrée, avec des solutions digitales étendues à tous les secteurs d’activités de manière agile et réactive directement sur le terrain. L’ensemble des acteurs de la société civile s’est mobilisé pour combattre le virus. À ce titre le partage en open-source de données a été une pratique très répandue. Visières, valves et mêmes respirateurs ont ainsi pu être réalisés par n’importe qui disposant d’une imprimante 3D et de la volonté de participer à l’effort national : Fablabs maghrébins, universités d’Afrique du Sud ou du Sénégal, et réseaux panafricains ont ainsi pu participer à cette initiative à travers tout le continent.
Mais le mouvement le plus important de la lutte contre le virus est sans doute celui qui a concerné la création d’applications mobiles d’autodiagnostic. En guidant l’utilisateur à travers une série de questions sur son état de santé et ses déplacements, elles ont permis d’identifier les personnes malades et les cas contact. Les avantages directs de ces applications ? Rassurer, informer, lutter contre les fake news, et surtout désengorger les services de santé…
« L’application COVID-19 au Rwanda, Rology en Égypte, SmartHealth au Kenya, Xover au Bénin, Redbird au Ghana, Wellvis au Nigéria, OuiCare au Cameroun ou encore Sehatuk-bot au Maroc et Baobab+ au Sénégal, sont des exemples d’application créées en réponse à la crise sanitaire. Le continent entier a bénéficié des dernières innovation d’E-santé ! »
Julie Lanckriet, Bras-droit du Fondateur pour StartupBRICS
Un autre pilier de la stratégie de lutte contre le virus, comme l’a montré l’étude menée par StartupBRICS, a été l’écosystème tech lui-même et la réactivité de ses startups. Celles-ci ont ainsi redoublé d’inventivité et de flexibilité pour adapter ou créer des solutions à la crise sanitaire. Au Kenya par exemple, la startup Flare a développé une technologie lui permettant de positionner les ambulances du pays sur une carte en temps réel, pour permettre de déplacer rapidement les patients vers les centres de soins. L’application a ainsi mobilisé un réseau de 500 ambulances. Pour preuve de la qualité de son modèle, Google l’a invitée à intégrer son programme d’accélération !
Une créativité qui ne s’est pas limitée à l’Afrique de l’Est ! Au Nigéria, LifeBank, une startup spécialisée dans le transport des produits médicaux par drones, a mis à disposition sa plateforme pour recenser les établissements sanitaires possédant du matériel nécessaire à la lutte contre le Covid-19. Au Ghana, la startup mPharma qui gère l’approvisionnement en médicaments de plusieurs grandes structures médicales africaines a créé un logiciel permettant aux médecins de programmer les tests Covid de leurs patients et de recevoir ensuite les tests une fois réalisés. Et la liste des initiatives est encore longue !
« En Tunisie, la société N3awen.com, une plateforme développée par Gomycode, une école locale de codeurs, a mis à disposition ses interfaces pour recenser les volontaires et personnels médicaux. Des startups qui adaptent leurs solutions, et leur business model, comme celle-ci, ont été extrêmement nombreuses. Une preuve supplémentaire de la résilience de la tech africaine ! »
Julie Lanckriet – StartupBRICS
Et s’ils ne sauraient constituer à eux seuls la réponse sanitaire aux épidémies, le numérique africain et ses entrepreneurs ont démontré qu’ils formaient un avantage conséquent dans la gestion de crise. Formidable vecteur d’information et de sensibilisation auprès des populations, ils ont aussi été des outils précieux pour l’optimisation du suivi de l’épidémie par les autorités sanitaires. Avec l’émergence de nouvelles solutions de lutte contre le virus, ils ont permis de fluidifier la gestion logistique de la crise par les équipes médicales et in fine, de limiter considérablement le nombre de victimes. Le digital est ainsi devenu un geste barrière en soi.