Il fut un temps où l’Afrique du Sud était porteuse d’espérance et de liberté pour tout un continent. Appartenant aux BRICS, ce pays, pris comme exemple par ses voisins, connut une forte période de dynamisme post-Apartheid où l’on crut possible le passage d’un système basé sur l’exclusion à un système inclusif et participatif dès lors que l’économie pouvait supporter cette transition. Malheureusement, tout cela ne semble plus si certain aujourd’hui. Par Henri Dufourcq, Tech Blogger et StartupBRICS Connector en Afrique du Sud.
L’impasse économique et sociale de l’Afrique du Sud
Depuis 2007, la croissance économique est en chute libre, passant de 5,31% en 2007 à 0.3% en 2016. La crise financière mêlée à l’instabilité politique ainsi qu’à une corruption croissante n’a pas arrangé les choses. Les politiques de développement mises en place par le gouvernement tel que le “Black Economic Empowerment” n’ont pas fourni les résultats souhaités, n’ayant fait que remplacer l’élite blanche par une élite noire très réduite, souvent proche de l’ANC, au lieu de favoriser l’ensemble de la population.
Avec un coefficient de Gini de 63,4 en 2011, l’Afrique du Sud fait partie des pays les plus inégalitaires au monde. Pire encore, les inégalités se sont accrues depuis la fin de l’apartheid (59,3 en 1993). Malgré un enrichissement global de la population, cette augmentation démontre clairement les problèmes structurels qui pèsent sur ce pays, dont malheureusement il semble avoir du mal à se défaire Parmi ces problèmes structurels, le chômage chronique est une réelle préoccupation car il empêche la réduction du taux de pauvreté et donc enraye l’ascenseur social. L’Afrique du Sud a connu au premier trimestre 2017, un taux de chômage de 27,7% dont un taux de 54,2% chez les jeunes de 15 à 24 ans, du jamais vu depuis 2003 !
La récente élection de Cyril Ramaphosa à la présidence de l’ANC (de facto candidat aux présidentielles de 2018) apporte un souffle nouveau après le piètre bilan de Jacob Zuma, son prédécesseur à la tête de l’ANC et président de l’Afrique du Sud depuis 2009. Mais encore faudrait-il qu’il ait les armes nécessaires pour réformer l’économie sud-africaine, s’il est élu ? Pas sûr.
Repenser l’économie ?
Créé en 2013, le “African Transition to a New Economy” forum (ATTANE) a initié un mouvement basé sur la refonte du système économique tel qu’il est actuellement et le développement d’une nouvelle économie qui allierait écologie et viabilité. Pour les scientifiques et les professeurs d’universités appartenant à ATTANE le système actuel augmente les inégalités ; il est basé sur une consommation non durable et une culture matérialiste excessive. De plus, les impacts environnementaux de la production industrielle représentent un risque réel pour la survie de l’humanité.
Sous la direction du Docteur Mao Amis, Professeur à l’Université de Cape Town (UCT), ce forum développe un modèle qui vise à placer le bien-être des personnes et de la planète au centre du développement économique. Pour réaliser cette refonte du système, le forum ATTANE organise des dialogues publics qui rassemblent des dirigeants du monde des affaires, du gouvernement et de la société civile et dont l’objectif est d’aborder les problèmes de l’Afrique, promouvoir des investissements locaux et nationaux, construire des réseaux et créer de nouvelles opportunités qui vont dans le sens de cette nouvelle économie.
Cette initiative pourrait être une des solutions pour développer une économie plus inclusive et plus environnementale afin de réduire la pauvreté massive, endiguer le chômage chronique, réduire les inégalités, et les dégâts environnementaux. Très novateur sur ces sujets, le forum ATTANE bénéficie d’une forte adhésion ainsi que de l’appui du gouvernement sud-africain.
Mise en pratique
De ce forum, trois initiatives majeures ont vu le jour, le “African Centre For A Green Economy” (AfriCGE), le “New Economy Accelerator Programme” (NEA) et le “Gro Fund”.
- L’AfriCGE est un think thank et un pôle d’innovation sociale qui propose une palette de services dans le but d’aider les entreprises à optimiser le coût environnemental de leurs productions soit en minimisant l’utilisation de ressources primaires et/ou en minimisant les risques environnementaux liés à leurs activités. Cela se traduit en pratique par de l’analyse de données et le développement d’outils et de modèles “sur mesure” pour ces entreprises. De plus, l’AfricCGE propose des formations sur l’agriculture intelligente, l’entrepreneuriat écologique et l’utilisation intelligente de l’énergie.
- Le NEA est une structure qui facilite le développement de startups sociales et environnementales en les connectant aux différents écosystèmes et investisseurs. Créé en 2016, cet accélérateur a accompagné plus d’une vingtaine de startups. Par exemple, “Y-Waste Solutions” est une startup de gestion de déchets alimentaires. Elle collecte les déchets organiques des sites d’enfouissement, des hôtels, des centres de distribution et des magasins, et les convertit en compost organique pour la revente.
- Le Gro Fund est un fond d’investissement qui accompagne le NEA et qui investit dans les startups sociales à hauteur de 10 000 dollars maximum. Le retour sur investissement est au fur à mesure réinjecté dans le fond pour aider d’autres entrepreneurs. Poussée par ces initiatives, la “Nouvelle Economie” verte et durable a le vent en pompe et promet un avenir radieux. La question qui demeure est de savoir si celle-ci pourra répondre à une demande toujours croissante….