Ventures Platform, l’un des Tech hubs en pointe au Nigéria, s’est récemment associé au gouvernement de Lagos pour accompagner et accélérer les solutions digitales créées face au Covid. « Notre manière à nous de lutter contre la pandémie » ont confié à StartupBRICS Kola Aina et Mimshach Obioha, Fondateur et Directeur Exécutif de VP. L’objectif de cette collaboration ? Mettre en place rapidement des projets à impact positif contre le virus, pour les développer à grande échelle non seulement au Nigeria, mais plus largement au reste du continent. Développeurs informatiques, hackers, startuppers et créateurs ont été sollicités pour l’occasion. En plus de proposer un coaching personnalisé, le consortium public-privé va financer et accompagner 7 porteurs de projets, sélectionnés parmi plus de 400 candidatures ! |
Par Julie Lanckriet & Philippine Leclerc, StartupBRICS
StartupBRICS : Ventures Platform est connu pour être l’un des principaux incubateurs nigérians, pourquoi avoir choisi de vous mobiliser contre le Covid, et comment avez-vous abordé ce nouveau programme d’accélération ?
Ventures Platform : Nous avons créé ce programme afin de lutter contre le virus à notre manière. Quand la pandémie a commencé à se répandre dans le monde, nous nous sommes d’abord sentis terriblement impuissants face à cette menace. Mais très rapidement, la dépression et l’anxiété ont laissé place à un autre sentiment : la détermination. Comme vous l’avez dit, Ventures Platform travaille à l’accélération des entreprises de la Tech africaine et les accompagne dans leur passage à l’échelle. Grâce à nos activités, nous avons développé un réseau de partenaires qui réunit des startuppers, des bailleurs, mais aussi des membres de grandes entreprises ou des représentants politiques. Quand nous avons réfléchit au type d’action que nous pourrions mener pour lutter contre le Covid-19, nous nous sommes tout de suite aperçus que c’était ce réseau qu’il fallait mobiliser. Nous avons donc créé ce challenge afin de construire une plateforme qui permette à des entrepreneurs, des startups qui auraient développé des solutions de lutte contre le virus et qui seraient en manque de moyens, de rentrer en contact avec des institutions et des Corporate désireux d’exploiter leurs services.
Le gouvernement de Lagos et le Nigeria Center for Disease Control (NCDC) nous ont ainsi rejoint en tant qu’investisseurs publics principaux. Tous deux souhaitaient fortement trouver des solutions rapides et efficaces de lutte contre le virus, puisque Lagos est l’une des villes qui a été le plus durement touchée dans le pays, à cause de la promiscuité et de l’importante circulation de ses habitants. Des partenaires du privé, qui avaient déjà travaillé avec nous, nous ont également rejoint comme le NESG (Nigerian Economic Summit Group), Sterling Bank, AGS Tribe, le Conseil pour l’innovation et la recherche de Lagos (LASRIC) et de nombreux autres acteurs privés. Même Facebook a participé au projet en relayant notre concours sur son réseau !
En plus de leurs soutien, des experts Tech & business ont proposé de venir coacher les startups sélectionnées. Elles pourront ainsi échanger avec des mentors comme Rebecca Enonchong (AppsTech), Alexis Roman (Helium Health), O.O Nwoye (TechCircle), Seun Onigbinde (BudgIT), Titi Akinsanmi (Google), Dr. Ola Brown (Flying Doctors Healthcare Investment Group), Dr. Ifeanyi Nsofor (EpiAFRIC), Dr. Ebi Ofrey (GeroCare Solutions Ltd), ou encore le Dr. Femi Kuti (RelianceHMO). Cette volonté commune d’agir nous a tous réunis autour de ce beau projet : en mettant en commun nos atouts respectifs, que ce soient le financement, le réseau ou l’expérience, nous pouvions lutter contre la pandémie.
« Nous devions faire quelque chose face à la crise sanitaire ! Il fallait que nous nous rassemblions pour faire front et c’est en cela que ce programme est véritablement une initiative organique »
Kola Aina, Fondateur de Ventures Platform
SB : Pouvez-vous nous parler des projets portés par les startups que vous avez sélectionnées, et de la manière dont vous les soutenez ?
VP : La première édition de notre challenge a mobilisé plus de 350 candidatures. Parmi elles se trouvaient des startups préexistantes à la crise ayant adapté leurs produits pour y faire face, d’autres ayant conçu une nouvelle solution, et de nouvelles startups, nées pendant la crise. La majorité d’entre elles proposent des applications pour suivre l’évolution du virus et l’endiguer. C’est ainsi que nous avons découvert des applications qui informent les utilisateurs des symptômes du virus, d’autres qui permettent de repérer les personnes malades, ou encore certaines qui élaborent des cartes des zones à risque. On a vu une grande variété de solutions. Nous réfléchissons d’ailleurs à organiser une deuxième édition, au vu du potentiel des divers projets qui nous ont été présentés ! Mais pour l’instant, nous nous concentrons sur les 7 entreprises sélectionnées.
Notre objectif est de les rendre viables très rapidement. Nous avons aussi l’ambition d’exporter ces solutions à l’étranger. En termes de commercialisation, nous voulons les mettre sur le marché en priorité, l’élaboration du business model viendra dans un second temps. Comme vous l’avez constaté, la dotation n’est pas très importante puisqu’elle est seulement de $3,000. La priorité n’est donc pas de faire des profits, mais de sauver des vies. Pour y arriver, la présence de notre consortium de partenaires comme celle des mentors à nos côtés est essentielle.
« Notre priorité, c’est de sauver des vies. En période Covid, le business model est secondaire, ce qui importe c’est la santé, avant les profits ! »
Mimshach Obioha, directeurs exécutif de Ventures Platform
SB : Plus largement pour finir, comment l’écosystème de la Tech a réagi face à la pandémie, et quelles sont ses perspectives d’avenir ?
VP : L’entreprenariat va souffrir de la crise sanitaire, ça ne fait aucun doute. Les startups pâtissaient déjà de la précarité des infrastructures nationales nécessaires à leur développement. Avec le Covid, elles doivent maintenant faire face à une chute dramatique de la demande dans certains secteurs, et de la difficulté à lever des fonds dans cette période d’incertitude pour les investisseurs. Je crains que ces nouvelles difficultés ne soient fatales à un certain nombre d’entre elles malheureusement. Dans le même temps, on voit de nouveaux projets émerger dans ce contexte, et des startups qui adaptent leurs produits et leur business model.
L’écosystème africain est résilient, il saura se relever de la crise et en tirer les leçons. Il l’avait déjà fait lors de l’épidémie d’Ébola. A l’époque, la crise avait non seulement donné un coup d’accélérateur aux innovations, qui nous sont aujourd’hui précieuses face au Covid, elle avait également permis de créer des institutions régionales de santé comme le NCDC qui n’existaient pas auparavant ! En nous battant contre Ébola, nous avons compris que les startups pouvaient nous préparer à la prochaine crise sanitaire. L’Afrique avait ainsi un temps d’avance sur le reste du monde sur ce point. Car si la crise du Covid est la première pandémie des temps modernes, ce ne sera certainement pas la dernière. Elle a montré que la E-santé avait un rôle à jouer, notamment à travers sa capacité à se substituer aux services publics africains qui sont encore trop dysfonctionnels.
« L’écosystème africain est résilient, il saura se relever de la crise et en tirer les leçons. Il l’avait déjà fait lors de l’épidémie d’Ébola, où nous avions compris l’importance des startups et de la tech face aux crises sanitaires. L’Afrique avait ainsi un temps d’avance sur le reste du monde. Le Covid est peut-être la première pandémie des temps modernes, mais ce ne sera certainement pas la dernière. »
Kola Aina, Fondateur de Ventures Platform
À la sortie de la crise sanitaire, il sera urgent de repenser et de réévaluer les systèmes de santé. Les différents gouvernements devront faire appel à ce secteur privé, si innovant et résilient, afin qu’ils créent enfin des services pérennes, efficients et accessibles à l’ensemble de la population. L’innovation est aujourd’hui le moteur de la croissance et du développement de l’Afrique. C’est elle qui réinvente non seulement les modèles de santé, mais aussi l’éducation, l’accès au crédit, l’agriculture etc… La question qui demeure alors c’est la manière dont les gouvernements vont réagir face à cela. Seront-ils réticents devant ces progrès technologiques ou prendront-ils le train de l’innovation en marche ? Seul l’avenir nous le dira !
« L’innovation permet au bas de la pyramide d’accéder à des services que les États n’ont pas su proposer à la majorité de la population africaine. C’est elle qui réinvente les modèles et trouve des solutions ».
Mimshach Obioha, directeurs exécutif de Ventures Platform