Un réseau social adapté à toutes les cultures qui permettrait l’inclusion des populations analphabètes ? C’est le défi relevé par Lenali, la première plateforme de réseau social à instruction vocale, adaptée à la culture orale de l’Afrique. Récemment entrée dans la liste des 30 meilleurs innovateurs africains selon Quartz, cette innovation prometteuse est à suivre.
10% de population connectée et 60% d’analphabètes
Au Mali, les utilisateurs qui se connectent régulièrement sur les réseaux sociaux ne représentent que 10 % de la population. Le pays est pourtant loin d’une digital detox volontaire. De prime abord, on pourrait penser que c’est le manque d’accès à internet qui vient compliquer la connexion des individus. Pourtant, depuis ces dernières années, on remarque que l’accès à internet est de moins en moins cher, et que la plupart des foyers possèdent des smartphones, tablettes ou ordinateurs.
Le Mali est un pays dont la culture repose sur l’oralité. Plus de 60% de la population est analphabète et les écarts se creusent entre les minorités. Ce n’est souvent pas par manque d’envie que les gens ne se connectent pas à internet et aux réseaux sociaux, mais par manque de connaissance: ils ne peuvent pas lire le contenu affiché sur l’écran ni écrire en retour.
Lenali, le premier réseau social entièrement vocal
Une situation qui, si elle est bien présente au Mali, se retrouve également dans d’autres pays d’Afrique et du Proche Orient. Pour pallier ce problème, Lenali a pour ambition de créer le premier réseau social totalement vocal. Ce dernier traduit les contenus en langues locales afin de permettre à chacun d’avoir accès à l’information.
La start-up permet ainsi à chacun de télécharger un guide vocal dans la langue choisie, de créer un profil vocal, d’envoyer des photos par commandes sonores et de prendre en notes des commentaires. Un message audio peut ainsi être apposé à côté de chaque photo de façon à ce que les utilisateurs incapables de lire puisse en avoir la légende. Pour prendre en compte le polyglottisme et les différents dialectes, il est possible d’apposer différentes bandes sonores à une même publication.
Une opportunité créatrice d’emploi et d’échanges de compétences
D’ici 5 ans, Lenali se voit être une start-up à disposition des nouveaux acteurs au service de l’alphabétisation, de l’apprentissage et de l’emploi. Apprendre de nouveaux métiers et trouver des opportunités professionnelles sera simplifié grâce à l’interconnexion des compétences. En proposant des échanges par instructions vocales, Lenali compte diminuer le nombre de laissé pour compte de l’univers du numérique.
Mamadou Sidibe : “Entreprendre en Afrique, une histoire de courage et de volonté”
Comme beaucoup de startups en Afrique, Lenali a dû faire face à des défis de taille. Insuffisance de fonds d’amorçage, de capitaux à risque et d’accompagnements adéquats en début de projet. Mais surtout, le manque de ressources humaines qualifiées et conscientes des enjeux. C’est ce que déplore Mamadou Sidibe, le fondateur, en interview :
“J’ai dû faire des sacrifices énormes. Développer Lenali a d’abord nécessité de souvent se rendre de la France au Mali, et ma famille avait trouvé cela audacieux. Après deux ans de R&D (recherche et développement) sur fonds propres sans résultats convaincants, un sacrifice personnel et familial énorme, beaucoup de personnes m’ont tout simplement traité de fou! J’ai même entendu “Tonton, tu a disjoncté: nous, on veut partir en Europe et toi, tu as la chance de résider à Paris et d’avoir travaillé sur des grands projets européens, mais je te vois souvent à Bamako, t’isoler et ne faire que travailler presque sans aucune vie sociale!”. On m’a rapporté aussi ceci: “il est fou lui, il ne va jamais arriver à quelque chose, surtout face aux géants comme Viber, WhatsApp et Facebook, qui ont un taux de pénétration et une force de frappe déjà énorme!”.
Je dois avouer que, quelquefois, j’ai eu mes propres doutes. Mais, conscient des enjeux de la digitalisation et avide de montrer que c’est possible, il était impensable pour moi d’abandonner mon projet malgré les énormes défis! Et fort heureusement, j’ai rencontré sur mon chemin d’autres jeunes fous, qui ont cru à l’aventure et qui m’ont accompagné bénévolement jusqu’à la naissance du bébé Lenali
En Afrique, les pouvoirs publics, institutions financières/organismes de financement, investisseurs et incubateurs communiquent partout en insistant que pour entreprendre,il faut oser: il faut être innovant et croire en son projet comme un fou, se donner les moyens de réussir – apports personnels, différents sacrifices, formations… -, et travailler dur.
Mais même quand vous avez carrément tout sacrifié et que le potentiel de votre projet paraît évident, très peu vous font confiance pour investir en votre projet. Ils attendent que le projet apporte des cash flow avant d’oser eux même prendre le risque de vous financer, alors que vous n’avez même plus le pain à manger sur la table et que tout peut s’arrêter pour vous du jour au lendemain ! Très peu de startuppeurs survivent à cette épreuve de traversée de désert!”