#Afrique : Last Mile for BoP, la startup sociale qui booste le business des épiciers des bidonvilles

Diplômé de l’EDHEC Business School en 2005, Arnaud Blanchet a d’abord été CFO du Women’s Forum for the Economy & Society, une filiale du groupe Publicis qui se veut une plateforme pour mettre en avant les femmes qui agissent sur les sujets économiques et sociaux majeurs de notre époque. Passionné par le Social Business, il a lancé Last Mile for BoP en 2012 en Afrique du Sud pour aider les populations les plus pauvres du pays à avoir accès à des produits de première nécessité. Interview à Cape Town avec Arnaud Blanchet, fondateur de Last Mile for BoP dont la solution permet aux épiciers informels de mieux s’approvisionner grâce à leur téléphone. Arnaud Blanchet est également YoungLeaders AfricaFrance dont StartupBRICS fut d’ailleurs membre du comité de sélection 2017 ! Entretien réalisé par Martin Silvestre, StartupBRICS Connector.

Arnaud Blanchet présente les produits proposés par Last Mile for BoP

Peux-tu nous expliquer ce que tu fais dans la vie ?

Je suis installé au Cap en Afrique du Sud où je dirige une start-up sociale qui s’appelle Last Mile for BoP. Notre but est d’améliorer la distribution de produits de première nécessité et de produits sociaux dans les bidonvilles et les zones rurales. Améliorer cette distribution permet de lutter contre les inégalités et la pauvreté. Nous souhaitons par notre activité mettre fin à ce que l’on appelle la prime de pauvreté : les clients pauvres paient leurs courses plus chères que les clients des classes moyennes ; cela s’explique par le fait que les épiceries informelles dans lesquelles ils font leurs courses proposent des prix élevés et leur seule alternative est de payer des frais de transport élevés pour se rendre dans un supermarché. Quoiqu’ils choisissent, ils supportent un surcoût.

Et concrètement, qu’est-ce que Last Mile for BoP ?

Last Mile for BoP une application mobile permettant aux épiciers informels de comparer les prix de gros dans leur région et de commander tout leur stock au meilleur prix. Nous livrons leurs commandes en quelques heures à leur boutique grâce à un réseau de chauffeurs qui habitent dans les bidonvilles et les villages et qui possèdent des véhicules actuellement sous-utilisés. Nous permettons aux épiciers d’économiser du temps et de l’argent et nous créons des opportunités économiques dans les bidonvilles où le chômage est le plus fort.

Nous utilisons les données que nous recueillons via notre application pour améliorer la distribution dans les marchés informels et notamment la distribution de produits sociaux : dans les épiceries où les ventes de bougies ou de paraffine sont importantes nous aidons les épiciers à vendre des lampes solaires par exemple. Enfin, nous utilisons ces données pour créer un suivi de l’activité des épiceries informelles ; nous savons ainsi ce qu’ils achètent et ce qu’ils vendent ce qui nous permet de reconstituer leurs comptes afin de les assister à obtenir des crédits qui doivent être utilisés pour améliorer leurs boutiques ou pour financer la distribution de produits sociaux.

 

Pourquoi s’être lancé dans l’entrepreneuriat social et ne pas avoir choisi un chemin de carrière « plus classique » ?

J’ai toujours voulu allier à mon travail un impact social ; j’ai donc l’impression d’être passé graduellement d’une carrière classique à l’entrepreneuriat social. Avant de lancer ma société, j’ai travaillé dans l’investissement et le conseil en restructuration d’entreprises, où l’un des aspects importants –bien que parfois controversé– était de reconvertir les salariés touchés par les plans sociaux. J’ai ensuite assuré la direction financière du Women’s Forum qui organise des conférences internationales destinées à améliorer la place des femmes dans l’économie et dans la société. A cette même époque, j’ai lu « 80 hommes pour changer le monde » de Mathieu Le Roux et Sylvain Darnil qui m’a fait découvrir l’entrepreneuriat social et m’a donné envie de me lancer. Lorsque le Women’s Forum a rejoint le groupe Publicis en 2011, il m’a semblé que c’était le bon moment de devenir un entrepreneur et je n’aurai pas envisagé de faire autre chose que de l’entrepreneuriat social.

« Les clients pauvres paient leurs courses plus chères que les clients des classes moyennes ; […] Quoiqu’ils choisissent, ils supportent un surcoût. »

Qui se cache derrière Last Mile for BoP ?

Nous sommes encore une jeune startup et notre équipe est très lean ! Nous sommes en permanence une équipe de 8 à 10 personnes. Deux développeurs, Nicolaas et Paul, travaillent sur notre application mobile. Emmanuel s’occupe d’actualiser notre base de données en collectant les prix de près de 3000 produits chez les grossistes. Enfin, une équipe 5 à 6 étudiants internationaux aux profils variés nous épaule pour développer notre activité : ils sont UX designers, graphistes, business developers, etc.

Pourquoi avoir choisi de lancer Last Mile for BoP en Afrique du Sud et pas ailleurs ?

Last Mile for BoP est une société qui vise principalement à améliorer la distribution dans les marchés informels, notre activité a une composante logistique importante. Le marché idéal pour lancer la société était donc un pays avec une large population pauvre et des infrastructures de bons niveaux. J’avais sélectionné l’Indonésie, le Brésil et l’Afrique du Sud, qui remplissent tous les 3 à ces critères. Comme je ne parle ni indonésien ni portugais, j’ai choisi de m’installer en Afrique du Sud où l’anglais est une langue parlée ou du moins comprise à peu près partout.

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans ce pays ?

Les très fortes inégalités sociales sont ce qui m’a le plus marqué en arrivant en Afrique du Sud. On y trouve des quartiers très riches qui n’ont rien à envier à l’Europe en termes de développement et d’équipement et à quelques kilomètres de là des quartiers très pauvres dont les populations vivent dans une grande pauvreté sans accès à l’assainissement par exemple. D’un point de vue entrepreneurial, cela représente de grandes opportunités car ces quartiers pauvres ne sont pas desservis comme ils le devraient et il y a beaucoup de choses à faire pour apporter à ces clients ce dont ils ont besoin. Ils sont peut-être pauvres mais ils sont si nombreux qu’ils représentent un marché intéressant pour qui s’y intéresse. Par exemple, la croissance du chiffre d’affaires des épiceries informelles est supérieure de 3% à celle des supermarchés.

« Ma vision [du monde de demain] est un monde connecté, décentralisé, plus responsable et équitable. »

Quelles sont les prochaines étapes pour Last Mile for BoP ?

Nous concentrons actuellement nos efforts sur notre développement en Afrique du Sud : notre objectif est d’avoir 3000 utilisateurs actifs d’ici la fin de l’année aussi bien au Cap, que dans les régions de Johannesburg et de Durban. Nous souhaitons travailler avec les grossistes de ces régions et avec les sociétés qui souhaitent profiter de notre expertise et de notre solution pour développer leurs ventes dans les marchés informels.
Notre prochain objectif est de nouer des partenariats avec les opérateurs télécom africains pour mettre à profit notre solution et nos relations avec les épiceries informelles pour développer l’accès aux télécommunications et principalement à Internet. Nous prévoyons également des voyages de prospection dans plusieurs pays africains où nous souhaitons nous développer en 2018.

J’aime bien cette citation de Robert Collier qui me rappelle que quel que soit mon objectif, aussi haut ou complexe soit-il, je peux toujours commencer par une action simple et immédiate pour m’en rapprocher. “Begin to free yourself at once by doing all that is possible with the means you have and as you proceed in this spirit the way will open for you to do more.” Robert Collier

Comment a évolué Last Mile for BoP depuis 2013 ?

La seule chose qui n’a pas évolué depuis la création est notre mission : nous améliorons la distribution de produits et de services dans les marchés informels et nous sommes particulièrement attachés à la distribution des produits sociaux (lampes solaires, poêles écologiques, filtres à eau, nourriture fortifiée, serviettes hygiéniques, etc.).
Pour le reste, nous évoluons constamment et rapidement. Nous mettons en application la méthode Lean Startup et menons en permanence des expériences pour améliorer nos services et juger de l’opportunité d’en développer de nouveaux. L’idée de départ était d’avoir une force de vente pour distribuer des produits sociaux, depuis nous avons évolué et notre activité est aujourd’hui centrée sur notre application mobile à destination des épiceries informelles.

Comment envisages-tu le monde demain ?

Ma vision est un monde connecté, décentralisé, plus responsable et équitable. C’est-à-dire un monde où l’on peut vivre et travailler -donc trouver des opportunités économiques- aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines, où l’on peut avoir accès à tout ce dont on a besoin localement, où que l’on soit et qui qu’on soit. A Last Mile for BoP, nous travaillons pour que cette vision se réalise aussi vite que possible.

Une citation pour la route ?

J’aime bien cette citation de Robert Collier qui me rappelle que quel que soit mon objectif, aussi haut ou complexe soit-il, je peux toujours commencer par une action simple et immédiate pour m’en rapprocher. “Begin to free yourself at once by doing all that is possible with the means you have and as you proceed in this spirit the way will open for you to do more.” Robert Collier

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