Fintech : L’américain Stripe s’offre la pépite nigériane PayStack pour 200 M$

Le 15 octobre dernier, le spécialiste américain du paiement en ligne, Stripe, annonçait avoir acquis l’une des plus célèbres réussites tech nigériane, PayStack, pour un montant estimé à plus de 200 millions de dollars. Un tournant historique au sein du premier écosystème de startup du continent, qui représente tout à la fois la plus grosse acquisition jamais réalisée au Nigéria, et la plus importante opération de Stripe. Décryptage de cette transaction historique par StartupBRICS

200 millions, c’est le montant record atteint par la dernière acquisition du leader américain du paiement en ligne sécurisé, Stripe. L’entreprise, qui pèse près de 36 milliards de dollars, n’en est pourtant pas à son premier rachat (en 2019 elle s’était offerte la startup irlandaise Touchtech Payments après des années passées à acquérir des pépites américaines comme Index, Payable ou Indie Hackers) mais celui du 15 octobre en est certainement le plus marquant. Par son montant certes, mais aussi par sa nature. Car Paystack est une startup nigériane qui propose des solutions de paiements plus ou moins similaires à celles de Stripe, à savoir le développement d’une API – cette technologie qui permet à plusieurs applications de communiquer entre elles -permettant la sécurisation de toute transaction financière effectuée par internet. Pour Stripe, qui domine son marché national, ce ne sont pas moins de 80% des adultes américains qui réalisent des opérations via sa plateforme chaque année. On compte Amazon, Google, Shopify ou encore Zoom parmi ses clients renommés. Un acheteur premium tout indiqué pour Paystack.  

« Pour nous, il s’agit avant tout d’une vision. Celle-ci nous pousse et motive à accélérer les paiements sur le continent, et je suis convaincu que Stripe nous aidera à y parvenir plus rapidement. C’est une démarche très naturelle. »

Ezra Olubi, co-fondateur et directeur des nouvelles technologie chez Paystack

Car du côté Nigérian, les chiffres sont tout aussi impressionnants. Paystack voit en effet plus de la moitié des transactions réalisées en ligne au Nigéria, passer par son interface. Cette FinTech basée à Lagos propose des solutions de paiements en ligne à des entreprises  Nigerianes et Ghanéennes. Elle compte plus de 60 000 utilisateurs parmi lesquels se trouvent des petites et moyennes entreprises, mais également de grands groupes comme FedEx, UPS, MTN, the Lagos Internal Revenue Service, ou encore AXA Mansard. Paystack leur permet de recevoir des paiements en ligne et hors ligne en toute sécurité. Chaque mois ce sont ainsi des centaines de millions de dollars qui transitent par  son interface de programmation d’application (API).

Les fondateurs de Paystack, Shola Akinlade et Ezra Olubi

Stripe n’était pas étrangère à Paystack avant l’acquisition, bien au contraire, les deux startups ont parcouru un bout de chemin ensemble. En 2016, elles avaient toutes deux intégré le prestigieux programme d’accélération Y Combinator lors duquel Paystack avait d’ailleurs été le premier participant en provenance du Nigéria. Sa flexibilité, sa précision et la pertinence de ses choix en terme de développement avaient alors déjà attisé la curiosité de l’Américain. Car si leurs deux solutions peuvent s’avérer similaires – Paystack est parfois surnommée le « Stripe africain » – les développeurs nigérians ont su innover par leur perspicacité et leur adaptabilité au marché local. La fragmentation de celui-ci, ainsi que le très faible taux de bancarisation chez les utilisateurs empêchent en effet les modèles occidentaux traditionnels de s’exporter sur le continent. Une solution « made in Africa » était indispensable pour capter dans son entièreté la complexité et le potentiel de ce marché. Avec cette acquisition record, Stripe se donne les moyens de s’exporter sur le continent et de continuer son expansion mondiale aux côtés des meilleurs experts du domaine.  Ce n’est donc pas seulement la localisation de Paystack qui en a fait son attrait mais aussi, et surtout, la manière dont ses solutions ont été construites.

Les équipes de Stripe et de Paystack Crédit: Stripe

Si Stripe est présent depuis 2016 aux côtés de Paystack, c’est en 2018 que survient le tournant qui va pousser l’américain à renforcer son engagement auprès de la startup. Lors d’une levée de fonds en Séries A à plus de 10 millions de dollars, Stripe devient ainsi le premier investisseur de la pépite nigériane. Deux ans plus tard, alors que le marché des achats en ligne ne cesse d’augmenter, cette acquisition va permettre à Paystack de développer de nouveaux produits, de soutenir de nouvelles entreprises et de continuer à consolider le marché africain, et à Stripe de poursuivre sa conquête des marchés émergents. Ainsi malgré l’acquisition, Paystack continuera à évoluer en totale autonomie, pour conserver le capital de confiance développé sur le terrain par cette société « Made in Nigeria » !

« En valeur absolue, l’Afrique peut sembler moins importante que d’autres régions, mais le secteur e-commerce y progresse de 30% par an ! Et même avec un déclin mondial, le nombre d’acheteurs en ligne augmente deux fois plus vite. Stripe pense à long terme car nous sommes une entreprise d’infrastructure. Nous pensons à ce à quoi le monde ressemblera en 2040-2050. Et l’Afrique représente une opportunité considérable. »

déclarait le PDG et co-fondateur de Stripe, Patrick Collison dans une interview accordée à TechCrunch.

About Julie Lanckriet

Julie Lanckriet-Goerig est auteur, journaliste Afrique sur les questions économiques et d’innovation et Directrice des Opérations au sein de StartupBRICS, EMERGING Valley et EMERGING Mediterranean. Forte de plus de treize ans d’expérience sur le Continent africain, Julie a travaillé pour diverses institutions telles que le ministère français des Affaires étrangères et l’Union européenne. Elle débute son parcours professionnel à Paris, en charge de l’animation du Laboratoire d’innovation du Ministère de la Défense avant de partir au Nigéria comme Chargée de mission Tech pour l’Ambassade de France à Abuja. Ayant développé un solide réseau au sein de l’écosystème numérique local, elle rejoint StartupBRICS depuis Lagos, pour piloter la ligne éditoriale et mener les missions de terrain. Aujourd'hui basée à Casablanca au Maroc, Julie travaille aux côtés de Samir Abdelkrim, Fondateur de StartupBRICS, sur l’ensemble des projets du groupe avec pour objectif de contribuer à la visibilité de la Tech africaine, accompagner ses entrepreneurs et renforcer leur impact social.