#BIG2021 : Femmes entrepreneures en Afrique : à l’heure des nouveaux défis

Parmi la multitude des débats simultanés dans l’enceinte de l’AccorHotels Arena, une séquence forte était intégralement dédiée à l’entrepreneuriat féminin en Afrique. Regroupant des femmes entrepreneures et entreprenantes, BPIFrance avait invité cinq lauréates du programme Women in Africa à présenter et discuter du statut de femme entrepreneure sur le continent. Lancement de son activité, accès au financement, recherche de talents, ou encore digitalisation des process à l’heure de la covid-19 : les intervenantes ont tenté d’adresser tous ces sujets lors de cette table ronde. Un moment privilégié, 100% women empowerment, qui a inspiré les équipes d’EMERGING Valley, présentes sur place et attachées à ce sujet -la 5ème édition du sommet le 14 décembre prochain dédiera d’ailleurs une session plénière consacrée à l’entrepreneuriat féminin. Retour sur cette discussion inspirante. Par Philippine LECLERC.

Afin de recontextualiser le débat, il est important de noter que les femmes apportent une large contribution à la production de bien économiques en Afrique (62%). Malgré cela, elles sont rarement employées et encore plus rarement salariées (seulement 8,5% des femmes le sont). La voie de l’entrepreneuriat apparaît donc souvent comme une obligation. Et même si leurs entreprises sont jeunes et de taille modeste, les femmes africaines font preuve d’innovation et de créativité qui leur permettent de surmonter ces difficultés. Plus que des femmes entrepreneures, l’Afrique peut compter sur ses femmes entreprenantes !

Créer son entreprise en Afrique : user de patience et de ténacité

Pour aborder ce sujet, c’est Cynthia Aïssy, directrice générale de KeyOps Tech qui prend la parole. Installée à Abidjan, et après plusieurs expériences dans l’entrepreneuriat, une entreprise logistique, dont l’objectif est d’améliorer le suivis de colis dans les zones blanches, est venue directement à sa rencontre pour la recruter. Pour elle, la Côte d’Ivoire a l’avantage d’être un pays très dynamique, où la création d’une entreprise se fait très facilement. Les difficultés qui se sont présentées à elles lors de la création de sa première activité, un bar à jus, ont été de faire face à la lenteur administrative locale, et de trouver des talents. Cette serial-entrepreneur avait la volonté d’employer des femmes à ses côtés, mais aujourd’hui son équipe de 15 personnes est uniquement composée d’hommes. Pourquoi ce manque de main d’œuvre féminine ? Madame Aissy interroge la culture, le manque de formation, d’information et de soutien des jeunes femmes.

« Ce n’est pas parce que vous êtes une femme que vous ne pouvez pas faire. J’ai envie d’être un leader. Je veux montrer qu’en tant que femme africaine, on peut manager des équipes et travailler dans des secteurs masculins comme le transport. »

Cynthia Aïssy, Directrice Générale de KeyOps Tech

Une réponse à ce constat est venue de la part de Meganne Lorraine Ceday Boho, directrice des relations médias et clients chez African Media Agency, et militante féministe engagée contre les violence faites aux femmes. Pour elle, il est important de rendre visible les success stories, et les initiatives menées par des femmes.

Le financement de l’entrepreneuriat féminin : la panacée n’existe pas

Pour aborder le sujet du financement, le nerf de la guerre, la parole était donnée à Néné Maïga PDG de Orange Botswana. Selon elle, l’entrepreneuriat féminin en Afrique est extrêmement répandu, car il est informel. Puisque le salariat n’est pas une option, les femmes se tournent vers un entrepreneuriat de survie. Le tissu de PME et de TPME très dense que l’on trouve sur le continent est la principale manne d’emploi et de croissance. Alors comment faire pour les faire scaler ? Il faut d’une part, un accompagnement dans la production, et dans les capacités techniques et humaines. Mais il faut surtout du financement. Et aujourd’hui, cela reste très complexe. Devant un système financier inadapté aux réalités du terrain (demande de justificatifs administratifs, de bulletins de paie, justificatifs de domicile…), les entrepreneurs se tournent vers les tontines. Ce système informel de crédit revient très cher à l’entrepreneur, et peut même le faire courir à sa perte quand son endettement dépasse son capital. Les chances de survie d’une entreprise sont donc très faibles.

« Aujourd’hui, c’est très difficile d’obtenir des financements, qu’on soit une femme ou un homme ».

Néné Maïga, PDG de Orange Botswana

Et s’il n’existe pas encore de pays moteur à ce sujet en Afrique, certains écosystèmes présentent certains avantages, comme un fort taux de bancarisation et de pénétration mobile. Le financement de l’entrepreneuriat doit prendre en compte ces réalités, et c’est ce que fait Orange. Grâce à l’usage très répandu de Orange money, il est désormais possible d’avoir des données précises sur les clients et sur leurs capacités réelles à rembourser un prêt. Cette solution permet à l’entrepreneur d’avoir un crédit de manière instantanée sur son mobile, et adapté à ses capacités de financement.

Education et formation : ne pas mépriser l’informel

Pour aborder le sujet de la formation, la parole est à Nassifatou koko Tittikpina, pharmacienne et enseignante-chercheure en chimie analytique, directrice de son laboratoire de contrôle qualité des médicaments au Togo. Selon l’experte, la formation des jeunes à l’entrepreneuriat doit passer par le secteur informel. Elle conseille en effet à ses jeunes de s’engager dans un BTS de deux ans, puis d’aller faire les marchés avec leur famille. L’entreprise familiale reste à ses yeux la meilleure école. Elle conseille également de prendre le temps d’apprendre, de se former, de faire du volontariat etc…

« Il ne faut pas regarder le secteur informel de haut ! C’est la meilleure école si on veut lancer son business. »

Nassifatou Koko Tittikpina, enseignante chercheure

Le digital doit être « un nouveau droit de l’Homme »

Pour clôturer la session, le sujet de l’éducation à l’heure de l’ère numérique est abordé par Marvel Yana, membre du Youth Sounding board de l’Union Européenne. La pandémie a montré les avantages du numérique dans le secteur de l’éducation, pour rester connecté et assurer la continuité de l’école. Et pourtant, il est important de rappeler que cette éducation digitale ne devrait pas être un luxe au 21e siècle. On oublie souvent que l’éducation numérique repose sur tout un système qui implique un accès à l’électricité, à des outils numériques, à un enseignant compétant, à une connexion internet… Cela ne va pas de soi ! L’éducation des femmes doit faire face à l’ensemble de ces difficultés. C’est tout un système qu’il faut revoir, solidifier, et démocratiser.

« L’éducation digitale ne doit pas être un luxe réservé aux plus fortunés : cela doit être un droit de l’Homme. »

Marvel Yana, membre du Youth Sounding board de l’Union Européenne.

À l’issue de ce rapide tour de table, de nombreuses questions restent en suspens qui demanderaient de nombreuses heures de discussions. Cet atelier aura du moins mis en lumière des femmes entrepreneures et engagées, et aura questionné le public sur un sujet encore sous-estimé. Rendez-vous à EMERGING Valley le 14 décembre 2021 pour porusuivre le débat autour de l’entrepreneuriat féminin en Afrique !

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