Sénégal: lutter contre la malnutrition infantile avec Le Lionceau, interview de Siny Samba

Afin de lutter contre la malnutrition infantile au Sénégal et pour valoriser les ressources locales, la start-up le Lionceau, accélérée à TheCamp à Aix en Provence, développe une gamme d’aliments infantiles aux hautes qualités nutritionnelles. Rencontre avec Siny Samba, une des fondatrices du Lionceau et speaker du sommet EMERGING Valley 2018, qui a répondu aux questions de StartupBRICS.

Par Thomas Pascal & Antoine Fournier, contributeurs StartupBRICS

purées riches nutritionnellement Le Lionceau
Gammes de purées riches nutritionnellement produites par Le Lionceau

Bonjour Siny, peux-tu nous présenter ton équipe, vos différentes compétences et comment est née l’entreprise Le Lionceau ?

Aujourd’hui, nous sommes 3 fondateurs plus 2 personnes qui nous ont rejoint. Personnellement, j’ai un profil d’ingénieure agro-alimentaire avec une spécialisation dans la nutrition infantile. L’autre co-fondateur est également ingénieur agro-alimentaire spécialisé dans le financement en recherche et développement. Le 3ème fondateur du Lionceau est spécialisé dans les ressources humaines. L’histoire du Lionceau a commencé lorsque je travaillais chez Danone pour la marque Blédina en tant que ingénieure en R&D. Chez Blédina, je suis devenue passionnée par toutes les problématiques liées à l’alimentation infantile comme l’accompagnement des parents dans la nutrition de leurs enfants. Étant sénégalaise, j’ai alors commencé à m’intéresser au marché de l’alimentation infantile au Sénégal. Je me suis alors rendue compte qu’il y avait de belles opportunités sur ce marché car pour certains produits comme la purée en petits pots, il n’y avait que des produits importés.

Une des problématiques majeurs au Sénégal concerne les pertes auxquelles sont confrontées les agriculteurs sénégalais car il n’y a pas beaucoup d’industriels qui transforment les produits récoltés. Dans le même temps, les agriculteurs n’ont pas toujours la possibilité d’acheminer les produits à Dakar, où siègent la majorité des industriels. Pour exemple, 50% des récoltes de mangue au Sénégal sont perdues ! A partir de ce constat, nous nous sommes dit “pourquoi ne pas valoriser toutes ces ressources locales ?”. L’objectif était alors de créer des circuits courts directement au Sénégal en proposant des purées nutritivement très riches directement produites sur place. Cela nous permettait donc de se rapprocher des consommateurs tout en valorisant nos ressources locales.

équipe le lionceau
L’équipe du Lionceau

Comment avez-vous construit ce réseau permettant d’assurer un circuit court aux producteurs et consommateurs ?

Sur la partie fournisseur, nous travaillons donc uniquement avec des producteurs locaux. Toutes les matières premières que nous utilisons poussent sur la terre Sénégalaise. Pour créer ce réseau avec ses producteurs, nous nous sommes rapprochés d’une ONG qui s’appelle Enda-Pronat. Cette ONG a pour mission de fédérer des agriculteurs au sein de groupements de producteurs. Elle les accompagne dans une démarche d’agriculture saine et durable soit l’équivalent du bio au Sénégal. Cette ONG nous a donc permis de rentrer en relation avec des agriculteurs sénégalais par le biais de groupements de producteurs.

En plus de ce réseau, nous avons pour objectif d’établir des partenariats avec des groupements de femmes pour travailler sur une pré-transformation de nos matières premières que nous utiliserons ensuite dans notre processus de production. Il y a beaucoup de groupement de femmes au Sénégal et un des objectifs de cette année et de créer un réel réseau avec elles.

Quel est le processus type pour confectionner vos purées pour enfants et quels sont vos gammes de produits ?

Aujourd’hui nous avons 2 gammes de purées. Une gamme de purées sucrées mais sans sucre ajoutés et une gamme salée mais sans sel ajouté. Nous utilisons uniquement des matières premières très riches nutritionnellement en vitamines, fibres, minéraux ou en encore en protéines en fonction des besoins de l’enfant. Par exemple, dans nos recettes, nous utilisons des produits typiques d’ici comme le moringa ou le fruit du baobab qui sont des supers aliments nutritifs. Pour confectionner nos recettes, il s’agit d’un travail de R&D. Après avoir sélectionné des ingrédients à haute valeur nutritive, nous étudions avec quelles autres matières premières nous pouvons les associer. Par exemple, si nous avons un aliment riche en fibres, nous allons le combiner avec une autre matière première riche en vitamines ou minéraux. Après tout cela, il faut évidemment que le résultat final soit bon pour proposer un goût de qualité, qui reste au final l’élément déterminant auprès des parents et pour le bébé. Le challenge est donc d’allier des produits à forte valeur nutritionnelle tout en assurant un bon goût à nos purées.

Pour cela, nous avons donc des “bébés testeur” pour voir leurs réactions. En même temps, nous avons des mamans abonnées chez nous à qui nous demandons leur avis, ce qui nous permet de sans cesse améliorer la qualité de nos purées.

atelier senegal sensibilisation malnutrition infantile
Ateliers d’échanges avec des mamans sénégalaises pour sensibiliser à la problématique de la malnutrition infantile

Il y a 20% de malnutrition infantile au Sénégal, est-ce que c’est ce constat qui t’a notamment poussé à te lancer dans l’aventure du Lionceau ?

Oui, exactement. Ici au Sénégal, 20% des enfants de moins de 5 souffrent encore de malnutrition alors que nous avons beaucoup de matières premières sur notre sol riches en vitamines, minéraux ou en fer. Le problème réside dans le fait que ces matières ne sont pas valorisées et notre but est donc de produire des purées 100% made in Sénégal.

Est-ce que vous avez un type de client ou segment identifié pour la vente de vos produits ?

Aujourd’hui la plupart des clients qui nous prennent nos produits sont souvent des mamans actives qui ont peu de temps à leur disposition. Elles sont très ouvertes sur le manger local et très sensibles au côté nutritionnel des produits. Aujourd’hui, nous sommes en train de développer d’autres types de produits pour toucher une cible un peu plus large, notamment dans d’autres villes en dehors de Dakar, dans les villages par exemple. Dans ces villages, il y a un fort taux de malnutrition : on a pour ambition de collaborer avec des ONG pour proposer nos produits hautement fortifié et créer des business model rentable en même temps.

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Siny Samba, co-fondatrice du Lionceau

On imagine que vous avez un gros travail de prospection d’ONG ?

Oui, on a déjà pris les contacts. On prépare les produits en même temps pour les rendre plus accessible. Il y a un gros travail de R&D en ce moment.

On a vu que vous souhaitiez également aborder les problèmes d’éducation liés à la nutrition chez les clients. Qu’est-ce que vous faites pour y remédier ?

Alors oui, on est également attaché aux problématiques d’éducation mais pas seulement pour nos clients. Nous avons remarqué qu’au Sénégal il n’y a pas une réelle distinction entre une alimentation spécifique pour bébés et une alimentation pour adultes. Hors, l’industrie de l’alimentation infantile est la plus contrôlée et la plus sécurisée du marché de l’alimentaire, avec une réglementation très stricte qui la diffère de la nourriture pour adultes.. On a donc commencé à faire des campagnes de sensibilisation et des ateliers où l’on invite les mamans pour sensibiliser à la nourriture infantile et aux 1000 premier jours de l’enfant, réels fenêtres d’opportunités pour construire tout le capital santé futur de l’enfant.. On aimerait lancer davantage d’ateliers de sensibilisation cette année et grâce au digital nous pourrions toucher une plus large cible.

C’est pour cette raison que vous avez fait un partenariat avec une école à Dakar ?

Pour l’école, c’était surtout pour la partie production. Ils ont une halle de technologie qui permet une production dans les normes : le respect de la marche en avant par exemple. On utilise les locaux de l’Institut Sainte Jeanne d’Arc Post-Bac en attendant de lever des fonds et de posséder nos propres locaux. On a tout de même des locaux aussi pour la partie administrative. On est au sein d’un incubateur qui s’appelle Impact Hub Dakar.

Avez-vous levé des fonds ? Si oui, combien ? Et quels sont vos besoin en investissement ?

On a commencé sur fonds propres et ensuite, comme notre entreprise a une forte dimension sociale, nous avons bénéficié de subventions à hauteur de 30 000 €.Il y a eu la fondation de France, MeetAfrica et un club d’investissement local WIC (Women Investment Club)organisme local. Aujourd’hui, on prévoit de lever des fonds. Nous espérons obtenir 300.000 euros pour développer notre activité.

Quelle est votre vision de l’évolution de la nutrition à Dakar et au Sénégal ?

On espère bien réduire les 20% de malnutrition infantile mais c’est surtout transmettre aux parents une meilleure prise de conscience de l’importance d’une bonne alimentation chez les enfants de moins de 3 ans. C’est vraiment à cet âge que le capital santé et les habitudes alimentaires se créent.

On espère donc qu’à notre échelle, on réussira à impacter la prise de conscience de l’importance de la nutrition infantile au Sénégal.

Est-ce que vous évaluer votre impact aujourd’hui ?

Aujourd’hui pas encore mais on prévoit de le faire. Avec la levée de fond, on compte mettre cela en place.


Thomas Pascal et Antoine Fournier.

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