#CSOForumLusaka : La Banque Africaine de Développement met le cap sur l’emploi des jeunes en misant sur la société civile

Avec près de 200 millions de personnes âgées de 15 à 24 ans, le continent africain affiche la population la plus jeune du monde. Et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2045. Formidable chance pour l’essor et le rayonnement économique du continent ou bombe à retardement sociale ? Une chose est sûre, dans les 30 prochaines années, créer annuellement des dizaines de millions d’emplois nouveaux pour les jeunes, ne serait-ce que pour maintenir les taux de chômage actuels, déjà très élevés.

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Comment transformer le boom démographique des jeunes en Afrique en dividende économique ? D’autant que si 10 à 12 millions de jeunes Africains arrivent sur le marché du travail tous les ans, seuls trois millions d’emplois formels sont créés chaque année, selon les données de la Banque Africaine de Développement. Ce pari de l’emploi (et de la formation), la Banque Africaine de Développement a décidé de le relever en inscrivant la création d’emplois pour les jeunes parmi ses objectifs dits du « Top 5 » : Akinwumi Adesina, l’actuel président de la Banque Africaine de Développement depuis 2015 a ainsi déclaré à l’occasion des Assemblées Générales de la Banque à Lusaka que la BAD mettrait tout en oeuvre pour d’une part contribuer à générer 25 millions d’emplois directs pour les jeunes Africains et d’autre part former 50 millions autres jeunes, le tout avant 2026. Akinwumi Adesina a ainsi résumé sa pensée durant les assemblées annuelles : « Dans les États africains, la fragilité est directement liée au chômage ; la croissance inclusive est une urgence. (…) Les compétences et les emplois de demain sont dans le numérique car le monde change vite ». Ainsi que dans l’agriculture, et non plus dans le pétrole et le gaz.

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Créer des emplois pour les jeunes dans les TIC, l’industrie, l’agriculture… Pour les gouvernements africains, il y a urgence !

C’est en tout cas le message qui a résonné durant le Forum de la Société Civile à Lusaka, organisée dans le cadres des Assemblées Générales et à laquelle StartupBRICS fut conviée. Débats durant lesquels fut martelé le fait que les jeunes africains n’ont pas toujours les compétences que recherchent les employeurs, malgré certaines avancées en matière d’accès à l’éducation par rapport aux débuts des années 90.  Et quel rôle les Organisations de la Société Civile (OSC) peuvent jouer en faveur de l’emploi et de la formation des jeunes ? La plupart des OSC présentes aux assemblées générales ont rappelé leur rôle de porte-voix de ceux qui vivent avec moins de 1 dollar par jour, la fameuse « base de la pyramide » commune à tous les grandes régions émergentes. Et surtout leur volonté de travailler main dans la main avec les institutions et même les gouvernements de leurs pays, au lieu d’être trop systématiquement considéré comme des « opposants » dès lors qu’elle font entendre un son de cloche différent : cette différence, Akinwumi Adesina l’a reconnu en rappelant « le devoir de la BAD d’entendre ces voix différentes, celle de la société civile africaine ».

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Les participants au forum ont discuté dans le détail de l’application sur le terrain du programme « Jobs For Youth in Africa », qui doit être implementé dans les pays membres de la BAD entre 2016 et 2025 : plusieurs lignes de financement en faveur de l’emploi inclusif et de l’entrepreneuriat mis à disposition des Etats membres et des Organisations de la Société Civile (la BAD apportant une assistance technique et financière) afin d’expérimenter des initiatives public-privé ainsi que des politiques publiques permettant de transformer les économies africaines en faveur de l’emploi des jeunes.  Carlos Lopes, le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), a quant à lui souligné la nécessité de revoir intégralement les politiques d’éduction sur le continent africain, sur fonds d’explosion du phénomène des migrations intérieures et extérieures : « toute réforme de l’éducation doit répondre aux besoins de l’économie et du marché du travail.  Les migrants africains, s’ils étaient dotés des compétences adéquates, pourraient contribuer à la transformation du continent ».

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Parmi les propositions retenues : plus de mentorat, davantage de dialogue avec les OSC et plus de formation préparant aux métiers de demain

  • Les OSC doivent sur les différents axes du programme Youth 4 Jobes afin d’en contrôler l’éxécution et les impacts sur le terrain, en coordination avec la BAD
  • La BAD est là pour poser un cadre afin d’appuyer les OSC, et non pour s’y substituer.
  • Les OSC doivent aider à relayer les actions de la BAD au niveau des potentiels bénéficiaires vivant dans les zones rurales, notamment via les médias sociaux.
  • Un des principaux défis « psychologique » avec les OSC africaines est que personne ne veut être « coordonnée » mais tout le monde veut « coordonner ». Manque d’esprit collectif.
  • Les CSO peuvent aider les populations notamment rurales à décrypter, comprendre et utiliser les outils et programmes de la BAD. Par exemple, la BAD a déjà financé individuellement des milliers de jeunes agriculteurs africains via son programme FEED.
  • La BAD doit valoriser et protéger les OSC et leurs actions en Afrique, OSC qui sont encore trop souvent perçues comme des « opposants » par les gouvernements en place par manque de dialogue et d’espace de travail en commun.
  • La communication de la BAD doit donc être moins institutionnelle mais davantage terrain, en impliquant notamment davantage les médias sociaux, la radios, le numérique comme les notifications SMS directement distribués aux bénéficiaires des zones reculées, où souvent personne n’a jamais entendu parler de la BAD, de l’institution, de son rôle, de ses actions et encore moins de ses outils en faveur des jeunes pour l’emploi.
  • Le renforcement des capacités des pays membres en faveur de l’emploi des jeunes doit se faire via les 3 I : Innovation, Investissement et Intégration. La BAD à travers ses bureaux régionaux souhaite travailler pays par pays avec les OSC pour lister des actions concrètes s’inscrivant dans les 3 « I ».
  • Les OSC ont tous souligé le manque criant de mentorat : les jeunes africains souhaitant se lancer dans l’agriculture de qualité, l’innovation et l’entrepreneuriat (peu importe le secteur visé) doit être accompagné, et la BAD peut mettre en place des dispositifs d’appui de ces jeunes en aidant au recrutement et à la mise à disposition de ces mentors.
  • La BAD peut aider à débloquer les sources de financement privés (provenant du niveau national ou international) en faveur de l’emploi et de la formation, en apportant sa garantie.
  • En apportant un soutien institutionnel ou financier aux porteurs de projets et aux entrepreneurs, la BAD peut rassurer les investisseurs et déclencher des mini-investissements en cascade.
  • La BAD ne fait pas de plaidoyer : il s’agit là du rôle et du domaine des OSCs. Par contre, la BAD peut apporter une expertise technique et du financement à ces dites organisations présentes sur le terrain au plus près des populations et notamment de la « base de la Pyramide ».
  • La question du genre et des discriminations religieuses devrait être prise en compte dans les politiques africaines de l’emploi, avec l’appui de la BAD
  • L’expérimentation d’initiatives pilotes à fort impact sociales doit voir le jour et se multiplier, pays par pays. Par exemple, la BAD expérimente actuellement avec succès au Mozambique en partenariat avec les OSC locales un projet pilote en faveur de l’employabilité des jeunes personnes handicapées.
  • En Afrique du Nord : le manque d’intégration économique coûte de 2% de croissance du PIB au Maghreb. La BAD et les OSC locales peuvent travailler à davantage d’intégration économique de la région, sans forcément attendre le temps des gouvernements nationaux, pris dans des blocages politiques trop importants.
  • Les Organisations de la Société Civile (OSC) peuvent et doivent servir de facilitateur vis à vis des communautés locales (et notamment les plus fragiles) dans la mise en place des politiques de développement économique de la BAD mais aussi des autres institutions internationales.

La majeure partie des propositions listées ci-dessous seront analysées et mises en oeuvre par la BAD au mieux à travers ses différentes représentations régionales, en impliquant les OSC sur des objectifs pertinents et mesurables.

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About StartupBRICS

Entrepreneur et consultant, Samir Abdelkrim est l’expert francophone de l’innovation africaine. Samir Abdelkrim est le Fondateur de StartupBRICS et du sommet international EMERGING Valley qu'il a créé à Marseille. Entre 2014 et 2018, Samir Abdelkrim a sillonné l’Afrique de l'innovation et exploré les écosystèmes numériques de 25 pays africains. Une expérience terrain dont il a tiré un livre, Startup Lions, préfacé par Xavier Niel et Tidjane Deme. Samir Abdelkrim est également chroniqueur sur la tech africaine dans les grands titres nationaux comme Les Echos ou Le Monde où il est spécialisé sur les startups africaines.