Afin de répondre à la problématique de gestion des déchets au Sénégal, 2 étudiants sénégalais, Alioune Badara Mbengue et Papa El Hadji Mandiaye Gningue, ont eu l’idée de créer une poubelle intelligente et connectée. Mbal-IT, du nom du projet, propose une solution crédible et pleine d’espoir aux objectifs de développement durable d’aujourd’hui. Alioune Badara Mbengue, co-fondateur de Mal-IT, a répondu aux questions de StartupBRICS.
Par Thomas Pascal & Antoine Fournier, contributeurs StartupBRICS
Bonjour Alioune, peux-tu nous présenter les origines de ton projet de poubelle intelligente et les compétences de l’équipe avec laquelle tu travailles ?
Mon projet a commencé à l’occasion d’un concours organisé par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). L’objectif du concours était de réfléchir sur la problématique de gestion des déchets et y apporter une solution numérique. Pour cela, nous avons commencé par utiliser une méthode de design thinking afin d’identifier les causes du problème. Nous avons alors vu que le problème majeur était l’absence de tri, ce qui fait que les déchets sont soit brûlés soit entassés dans une décharge.
Nous voulions donc proposer une solution qui inculque la notion de tri à des populations qui n’ont souvent pas été sensibilisés à la problématique de tris sélectifs. En partant de ça, nous avons donc eu l’idée de faire une poubelle qui parle, littéralement, pour expliquer comment marche le tri.
A la base ce projet, mon équipe était celle qui avait développé ce concept de poubelle intelligent lors du concours de l’OIF. Nous étions 5 avec notamment 2 développeurs, un automaticien pour la partie électronique, un designer et moi. L’équipe a évolué entre-temps avec d’autres développeurs qui interviennent, aujourd’hui, sur notre projet.
Aujourd’hui, où en êtes-vous dans votre projet de poubelle intelligente ? Avez-vous commencé à en commercialiser ?
On a passé beaucoup de temps dans la phase de post-prototypage car nous voulions passer en production, mais nous avons réalisé que cela impliquait un coût très important. Nous avons donc compris que nous pouvions changer l’approche commerciale et vendre avant même de produire.
Dans notre offre, nous nous appuyons sur un partenariat avec une entreprise spécialisée dans le tri. Au final, nous vendons plus la partie rationalisation de la gestion des déchets que la poubelle en soi. Les poubelles sont un plus, nous ne sommes pas obligés d’en vendre beaucoup car cela dépend des besoins du client. Si par exemple, on vend 10 poubelles, on demande un acompte de la part du commanditaire afin de pouvoir produire les poubelles.
Nous sommes actuellement en pourparlers avec des clients privés, cela devrait se concrétiser dans les mois qui viennent.
Pour le moment, avez-vous fait une levée de fond pour Mbal-IT ?
Pour l’instant, nous n’avons pas encore fait de levée de fond, nous sommes uniquement sur du fond propre. Nous avons d’autres activités à côté, notamment de services, qui nous permettent de générer des revenus.
Après avoir récupéré les déchets, comment sont-ils triés actuellement au Sénégal ?
Le problème au Sénégal réside dans la gestion des déchets après avoir été très triés. En effet, si vous triez vos déchets dans le domaine public, mais que derrière, ils ne sont pas transformés ou triés à nouveau, cela ne sert à rien de les trier pour les remettre tous dans un camion poubelle.
C’est pour cela que nous avons changé notre approche commerciale en passant du B2G (Business to Government) au B2B (Business to Business). Nous avons donc adapté notre offre aux entreprises qui marche donc de la façon suivante : notre partenaire, spécialisée dans le tri, s’engage à gérer tous les déchets produits par une entreprise ou un hôtel. Quand nous trions les déchets des nos clients, nous pouvons donc leur garantir que leurs déchets ont été triés puis transformés par notre partenaire.
Cela devient alors intéressant pour l’entreprise car, lorsqu’elle possède un justificatif technique qui montre qu’elle trie à hauteur de tel ou tel pourcentage, ça lui permet d’avoir des avantages et de justifier sa responsabilité sociale d’entreprise.
De quelle manière sont transformés les déchets que vous récoltez ?
Nous avons essayé de travailler avec les gouvernements mais c’est très compliqué. Malgré toute leur bonne volonté, les choses n’avancent pas s’il n’y a pas de macro solution. Aujourd’hui, notre solution apporte un impact micro qui n’intéresse pas encore les politiques publiques. Mais on est persuadés qu’avec une multitude de micro initiatives on créera un macro impact sur le long terme.
Aujourd’hui, nos déchets sont principalement transformés pour un objectif artistique car nous n’avons pas encore assez de quantités de déchets pour avoir des transformations industrielles. Les déchets que nous récupérons sont donc destinés aux artistes et aux artisans qui les utilisent ensuite dans leur production. L’idée principale est de redonner une seconde vie à ces déchets.
Jusqu’ici combien de commandes avez-vous eu pour vos poubelles intelligentes ?
Pour l’instant nous avons eu des commandes d’une entreprise et d’une université. Cependant, avant de déterminer le nombre de poubelles dont aura besoin chaque client, notre partenaire doit analyser les flux des déchets du client pour lui proposer une offre adaptée. En effet, il est très important pour nous de déterminer quel type de poubelle et combien sont nécessaires au client.
Nos poubelles ayant 2 compartiments (soit poubelle/plastique, soit plastique/tout-venant, etc…), il n’y aurait aucun sens de proposer à une entreprise des poubelles avec un comportement métal et un comportement organique. En effet, on sait que les déchets des entreprises sont principalement des déchets papiers et plastiques. Il y a donc un vrai travail d’analyse des besoins propre à chaque client, nous ne pouvons pas faire une offre standard pour tout le monde.
Aujourd’hui, quelles sont vos charges principales pour la production de poubelle et de recyclage ensuite ?
Notre offre est composée de 3 parties :
- Partie analyse des flux existants gérée par notre partenaire
- Partie vente et installation du dispositif que nous gérons
- Partie délégation des déchets gérée par notre partenaire
Nous faisons donc en sorte de rester dans notre cœur de métier qui est la technologie du produit. Nous n’avons donc pas de charges liées au recyclage des déchets mais uniquement des charges liées à la production de la technologie et son installation.
Avez-vous repéré d’autres pays d’Afrique ou le tri des déchets n’est pas bien effectué et où vous pourriez potentiellement vous implanter ?
Oui absolument et pas qu’en Afrique. En Europe par exemple, on se rend compte que c’est toujours le modèle classique avec des poubelles de couleurs. Les gens n’ont pas forcément envie de trier du coup.
Notre but est d’améliorer cette expérience et de la rendre la plus intuitive possible. C’est quelque chose qui peut être scaler un peu partout mais pour ce faire il faudrait lever des fonds. En ce moment, nous essayons donc vraiment de sécuriser notre technologie au Sénégal et de prouver l’utilité de Mbal-IT. Ensuite on pourra voir plus grand.
On a vu également qu’avec les poubelles intelligentes vous recueillez des Data. Concrètement, à quoi vous servent ces données ?
Alors, ce qu’on vend ce n’est pas les poubelles c’est une manière plus rationnelle de trier ses déchets. Donc il est question de stratégie dans notre offre. Or, une stratégie s’établit sur des chiffres. Ce qu’on met en place, nous, c’est un corpus de Data : on recueille des données sur l’environnement, sur le pourcentage de remplissage de la poubelle et sur le type de déchets en fonction des lieux dans lesquels les poubelles sont installées… Et c’est ça réellement qui va permettre d’avoir une intelligence décisionnelle. C’est ça qu’on souhaite vendre.
Comment vous organisez-vous pour concilier vos études avec votre projet innovant ? Est-ce que vous arrivez à gérer le projet et les études facilement ?
J’ai la chance d’être dans une école qui comprend ma situation. Les enseignants me laissent une certaine latitude par rapport à ce que je fais et savent que j’ai pas mal d’activités extra scolaires. Il m’encourage même dans ce que je fais. Et puis dans l’école on a un programme axé sur l’entrepreneuriat. Donc je marie les deux au lieu de les distinguer. J’essaye vraiment de joindre les deux au mieux !