Coup d’envoi cette semaine du forum Algeria2.0 dédié à l’Afrique francophone, qui se veut être un lieu d’échanges privilégiés entre entrepreneurs du continent. Avec l’innovation comme trame de fond, ce carrefour du web 2.0 -soutenu par les autorités ministérielles – ambitionne de traiter de nombreux thèmes liés aux TIC : entrepreneuriat numérique, Cloud, technologies open source, CMS, etc. rythmeront les débats au cours de cette semaine.
Rafik Chala, premier orateur du forum Algeria2.0, expose à l’audience l’universalité des besoins et des moyens d’innovation. En effet, si les moyens financiers, l’environnement ou toute autre externalité peuvent altérer le développement d’une idée, M. Chala appuie sur l’importance prépondérante du critère humain (remise en cause perpétuelle et autonomie) qui doit imprégner chaque entrepreneur. Le partage, la prise d’initiative et la curiosité insatiable constituent selon lui les principaux axes d’innovation, en Afrique comme ailleurs. Malgré tout, le contexte social, économique ou culturel diffère selon les pays et la nécessité d’innover (via le numérique) se fait dans un premier temps de manière locale. Cet objectif nécessite en Afrique, des efforts décuplés et une volonté de fer pour écarter toute peur de l’échec.
« Innover pour survivre »
De plus la résistance au changement, prégnante dans de nombreuses régions, comme l’explicite Babacar Birane du Sénégal, peut constituer un frein important au développement d’une idée. Ainsi l’adaptabilité d’une innovation aux populations est essentielle, elle doit se traduire par une immiscion naturelle dans le quotidien des utilisateurs. À la différence d’applications occidentales, plus axées “lifestyle”, les innovations africaines doivent, répondre à un problème concret et quotidien – comme par exemple l’impossibilité de scolariser un élève à cause de son non-recensement – et agir comme un levier de croissance.
À cette difficulté de se greffer sur une problématique locale, s’ajoute parfois un déficit de communication (et d’infrastructures adaptées), des taux de douanes élevés, des réglementations contraignantes (spécifiques aux pays francophones), le manque de compétences des structures gouvernementales (peur d’allouer des subventions ou impossibilité de fournir des conseils entrepreneuriaux) ou encore la lenteur bureaucratique entravant la création de startups.
Vers des états-unis d’Afrique du numérique ?
Néanmoins, l’accompagnement étatique diffère selon les pays, en effet, certains comme le Rwanda et même théoriquement le Bénin donnant l’opportunité de créer sa boîte en l’espace d’une heure, même si paradoxalement la chambre de commerce et de l’industrie a du mal à recenser toutes ces créations d’entreprises…
Un autre rôle que les autorités doivent endosser pour favoriser l’essor d’un écosystème startup, est la diffusion de l’utilité du numérique (via l’éducation, la e-administration, etc.) ou encore l’investissement dans des structures privées déjà implantées pour un accompagnement plus judicieux et technique des entrepreneurs.
Le rôle des acteurs de cet écosystème est également primordial pour permettre l’essor d’une scène entrepreneuriale compétitive. Ces talents, grâce au numérique, peuvent être synchronisés et mis en relation par les réseaux sociaux notamment. Ces mêmes réseaux sociaux qui permettent aussi d’identifier la demande. De plus, le développement altruiste par ceux-ci de logiciels open source favorise le développement des startupers du continent en augmentant leur propre résilience ou en valorisant leurs expériences. Par ailleurs, le déficit de confiance accordé à ces entrepreneurs, couplé à la frilosité des populations se traduit par une planification complexe d’un business model sur le long terme ; néanmoins le numérique (et notamment l’open source) offre la possibilité de « prototyper » rapidement des solutions à court terme rentables et à moindre coûts.
Ces entrepreneurs issus de la génération Y disposent également d’un optimisme stimulant et contagieux ; les investissements massifs chinois qui pourraient se diriger vers le digital africain ne sont en effet pas perçus comme une concurrence menaçante mais plutôt comme un stimuli incitant d’avantage à l’innovation et à la qualité. Cet optimisme se traduit également par le fait que différents problèmes sont perçus comme des solutions d’entreprise martèle ainsi Florent Youzan. Cette génération est toutefois demandeuse d’être appuyée par les différentes diasporas en termes de mentorat voire de financements.
Un autre axe de coopération à développer, comme l’ont souligné de nombreux participants, est la multiplication de synergies entre les pays d’Afrique francophones et anglophones. Ces derniers (Kenya, Nigéria, etc.) bénéficiant d’une réglementation plus libérale, doivent inspirer les startups issues de pays francophones, notamment dans le domaine de l’open source. Cette nécessité d’uniformité panafricaine semble encore utopique, en témoigne l’appel de l’un des intervenants, Ridha Guellouz à la ratification de la charte de cybersécurité continentale, uniquement signée par trois pays sur cinquante-quatre à ce jour.