Rencontre aujourd’hui avec Dmitry Chickachev, le Managing Partner du fonds d’investissement moscovite Runa Capital, fonds qui investit depuis quelques années dans plusieurs startups du monde entier, de la Russie à Singapour en passant par les Etats Unis, Israël et peut être bientôt de plus en plus en France. Dans le portfolio de Runa Capital, on retrouve des startups comme Nginx, Ecwid, TravelMenu, Jelastic, StopTheHacker, mais aussi une startup française, Capptain. Spécialisé dans le cloud, les applications web et mobiles, Runa Capital annonçait récemment dans la presse spécialisée startup sa volonté de vouloir réaliser entre 40 et 50 investissements dans des startups européennes et américaines : à l’occasion de sa première venue en France dans le cadre d’un évènement organisé par 50 Partners, StartupBRICS a profité de l’opportunité pour réaliser une interview.
Hello Dmitry, vous êtes de passage en France pour rencontrer l’écosystème digital parisien. Votre fonds Runa Capital envisage d’investir dans des jeunes pousses françaises prochainement ?
Oui, en fait, non seulement nous envisageons d’investir dans des pépites françaises mais en fait nous l’avons déjà fait ! Il y a deux ans nous avons pris une participation dans Capptain, une société spécialisée dans les solutions de Response Marketing pour les applications mobiles et web. Nous sommes aujourd’hui à la recherche de nouvelles opportunités d’investissement en Europe et bien sûr en France dans des boîtes à très fort potentiel, d’autant que nous allons lancer d’ici quelques semaines en avril 2014 un nouveau fonds de 200 millions d’US$ qui aura un focus clair sur le software, le cloud, le big data, les Fintech, etc.
Nous assistons à un boom des nouvelles technologies en Russie depuis quelques années. Quel est votre vision sur l’évolution de l’écosystème startup en pleine ébullition en Russie ?
Tout d’abord, il est important de dire en premier que contrairement aux pays émergents comme la Chine ou le Brésil, l’histoire de la Russie est pleine d’innovation technologique depuis au moins 100 ans. Ce sont des ingénieurs russes ont mis au point plusieurs innovations qui ont révolutionné les technologies dans le monde, depuis les masques à gaz au premier satellite envoyé dans l’espace – Spoutnik – en passant par le premier hélicoptère. Nous produisons chaque année plusieurs dizaines de milliers d’ingénieurs très qualifiés, et nous avons déjà nos success stories du web à commencer par Yandex, le moteur de recherche russe, qui je le rappelle a vu le jour bien avant Google… il est donc faux de dire que Yandex est le petit frère de Google, ce serait plutôt l’inverse ! 🙂
Ceci étant dit, oui je peux dire que nous observons une réelle évolution dans le domaine de l’entrepreneuriat en Russie avec de plus en plus de jeunes qui veulent créer leurs startups, et des dizaines de nouveaux incubateurs qui ouvrent à Moscou et dans les autres grandes villes de Russie. Je peux citer l’exemple de Skolkovo à Moscou, ou encore InnoPolis à Kazan, au Tatarstan. L’écosystème se développe avec de plus en plus de VC et de plus en plus de business angels qui acceptent de faire confiance à des entrepreneurs innovants. Mais la question du financement est la moins compliquée en Russie : l’enjeu est de parvenir à bâtir une vraie société de la connaissance, socle indispensable pour nourrir l’écosystème, et aussi de développer l’esprit entrepreneurial qui ne va pas toujours de soi. Enfin je dirai que nous continuons de manquer de mentors qualifiés pour encadrer et aider à faire décoller nos startups, même si les choses s’améliorent de ce côté depuis les trois dernières années.
Selon vous, quelles sont les principales opportunités pour les startups françaises souhaitant s’internationaliser en Russie ?
Il faut garder à l’esprit les chiffres : la Russie est le plus gros marché internet en Europe avec 60 millions d’utilisateurs du web, et le potentiel reste largement inexploité là où des pays comme l’Allemagne où même la France commencent à être saturés. Ensuite il faut regarder la langue russe : on estime à entre 250 et 280 millions le nombre de personnes parlent en Russe dans le monde, de la Russie à l’Ukraine en passant par toute l’Asie Centrale. Et dans tous ces pays, les classes moyennes consomment de plus en plus sur internet. Ensuite je dirai la Russie devient clairement compétitive en termes de qualité des infrastructures et de personnels qualifiés, donc il peut devenir intéressant des startups françaises de chercher à monter des équipes ici. Enfin je conclurai sur le fait que les français disposent d’une excellente réputation en Russie, et que la Russie est l’un des pays les plus francophiles dans le monde !