“Quand vous habitez et travaillez à Lagos, il y a une énergie incroyable ! Vous ne pouvez qu’être conquis.”
C’est avec la passion qui caractérise les entrepreneurs nigérians que Silas Okwoche nous explique ce qui l’a poussé à se lancer dans l’aventure Nerve. “Nous sommes la génération quitte ou double, nous devons passer outre les difficultés liés à notre environnement” pour avoir un impact positif. La startup technologique qu’il a co-fondé en 2013 est prête à devenir la prochaine “Success Story” nigériane.
Imaginez une plateforme où les africains des quatre coins du continent peuvent publier des courts-métrages, de la musique, des livres sur un smartphone conçu brillamment. Un iTunes à la saveur africaine en somme ! Une entreprise à la fois de software et de hardware. Fin 2014, la jeune startup est arrivée au top 5 de la finale de Démo Africa qui se tenait à Lagos pour la première fois. La récompense ? Un séjour dans la Silicon Valley pour pitcher à la grand-messe, la conférence Démo Fall San Jose, pendant la Global Entrepreneurship Week (GEW).
Alors que Nerve s’apprête à commercialiser ses smartphones et sa plateforme de distribution, StartupBRICS s’est entretenu avec Silas Okwoche pour parler de sa startup, de l’investissement au Nigeria et de la tech diaspora africaine.
StartupBRICS : Silas, parle-nous de ton parcours. As-tu toujours voulu être entrepreneur?
Silas Okwoche : J’ai étudié le génie chimique, j’ai toujours été un ingénieur dans l’âme mais après l’université, j’ai commencé à me passionner par l’IT, le web, les applis mobile pour créer un impact en Afrique.
Je viens d’une famille de classe moyenne. Mon père était assez carrériste, ma mère était l’entrepreneur de la famille. Elle a toujours eu un petit business, mes frères et soeurs et moi l’aidions dans la gestion. Le Nigeria est un pays exportateur de pétrole, nous avons donc été encouragés, comme beaucoup, à faire carrière après l’université dans ce secteur parce que c’est un marché lucratif. Je crois que le fait d’aider ma mère à gérer son business est ce qui m’a donné envie de me lancer dans l’entrepreneuriat.
StartupBRICS : Comment t’es venue l’idée de Nerve ?
Silas Okwoche : Après avoir créé ma première entreprise, mon équipe et moi travaillions sur des services internet et principalement des applis web pour les PME et plus grandes entreprises. Nous avons entre autres crée un outil pour le gouvernement qui permettait aux étudiants de postuler pour des bourses en ligne. Nous avons passé énormément de temps sur cette application qui améliorait clairement le processus d’inscription aux bourses d’études au Nigeria. Malheureusement un an après sa création le gouvernement a cessé de l’utiliser. C’est à ce moment que nous avons réalisé que si nous ne créeions pas d’outils tangibles, qui transcendent les commandes de nos clients, nous ne pourrions pas avoir de réel impact. Nous devions changer notre focus ! C’est de là qu’est né Nerve mobile, une entreprise qui crée des appareils et plateformes mobile.
StartupBRICS : Vu de la Silicon Valley, quelles sont les idées reçues quand il s’agit d’investir au Nigeria ?
Silas Okwoche : Les investisseurs internationaux pensent souvent qu’ils peuvent transposer au Nigeria le succès d’un concept occidental. L’environnement, les gens, la culture sont uniques et propre à chaque pays en Afrique. Ils préfèrent miser sur des entreprises qui ressemblent à ce qu’ils connaissent dans leur pays d’origine. Pour minimiser les risques, ils doivent prendre en compte les dynamiques intra-régions.
« Je crois que le fait d’aider ma mère à gérer son business est ce qui m’a donné envie de me lancer dans l’entrepreneuriat. »
M-Pesa, le service de transfert d’argent et de micro financement pour mobile illustre cet argument. Pour un investisseur de la Silicon Valley, il aurait été inimaginable de s’engager sur un concept qui n’a aucun équivalent aux Etats-Unis. Comment anticiper le succès que M-Pesa a rencontré au Kenya et en Afrique du Sud ?
StartupBRICS : En comparaison avec les startups de la Silicon Valley, dans quel domaine penses-tu que les startup au Nigeria ont le plus de difficultés ?
Silas Okwoche : Les startups au Nigeria et dans beaucoup de pays d’Afrique commencent tout juste à appliquer la méthode “Lean Startup”. Nous nous focalisons trop souvent sur le produit et réalisons un peu tard qu’il n’est plus adapté au marché sur lequel nous essayons de le déployer. Dans la Silicon Valley, les startups prennent en compte le facteur d’attrition et tendent à réduire les cycles de commercialisation d’un produit. Ils savent tirer parti des données qui sont à leur disposition dans une démarche d’amélioration continue. La phase de développement du projet est donc plus courte, les produits décollent jusqu’à devenir parfois des succès appréciés dans le monde entier. Nous devons, nous aussi, instrumentaliser les données afin d’améliorer nos chances de connaître le succès.
StartupBRICS : Parlons des incubateurs au Nigeria et en Afrique. Comment aident-ils les écosystèmes à se développer ?
Silas Okwoche : Les incubateurs sont indispensables au dévelopement de l’écosytème nigérian. CcHub l’un des incubateurs les plus populaires au Nigeria a été crée il y a 5 ans. Depuis, ces structures poussent comme des champignons car ils fournissent aux entrepreneurs un espace où les discussions critiques ont lieu. Ils permettent également aux jeunes pousses de gérer leurs coûts pour décoller. Au Nigeria, gérer un business reste un challenge, car l’internet par exemple est encore coûteux.
Les incubateurs sont indispensables au dévelopement de l’écosytème nigérian. CcHub l’un des incubateurs les plus populaires au Nigeria a été crée il y a 5 ans.
Certaines startups les plus populaires sortent tout droit d’incubateurs nigérians. Je pense à BudgIT et Cchub, Hotel.ng et l’incubateur Spark. Le rôle de ces incubateurs sera sans aucun doute encore plus important dans les années à venir.
StartupBRICS : Comment la diaspora Tech africaine peut aider les startups comme Nerve?
Silas Okwoche : Les expatriés ont généralement une vision globale du business, c’est une vraie valeur ajoutée. Dans le cadre de la méthode “Lean Startup”, leur expertise technique pour développer le Minimum Viable Product (MVP) peut être précieuse. Nous devons présenter au mieux notre “value proposition” afin d’obtenir des financements. Les challenges de la levée de fonds au seed stage est l’une des raisons pour lesquelles certaines startups ne survivent pas au Nigeria. Il y a une évidente corrélation entre le manque de financement et l’inabilité à développer des produits durables. Avec ce coup de pouce, je suis persuadé que nous pouvons construire quelque chose de phénoménal.
StartupBRICS : Qu’en est-il des repatriés ?
Silas Okwoche : J’ai recontré quelques repatriés au Nigeria. Certains fondateurs de startups comme moi reviennent s’installer au pays et constatent avec étonnement qu’is ont sous-estimé le temps et l’énergie nécessaire pour ré-adapter. Certains retournent alors à l’étranger. Lorsque l’on est expatrié, on oublie les challenges et réalités propres à son pays d’origine. Pour éviter ce choc environmental brutal et faciliter la transition, je leur conseille de s’associer avec des entrepreneurs locaux.
Les challenges de la levée de fonds au seed stage est l’une des raisons pour lesquelles certaines startups ne survivent pas au Nigeria. Il y a une évidente corrélation entre le manque de financement et l’inabilité à développer des produits durables.
StartupBRICS : Dans quelle mesure les repatriés sont-ils des atouts pour les startups africaines ?
Silas Okwoche : Les repatriés sont souvent de très bons communicants, ils savent comment s’adresser à une audience globale. C’est très important parce que si nous ne pouvons pas présenter notre startups, raconter notre histoire, nous allons droit dans le mur. Les repatriés comprennent la valeur du “storytelling” et peuvent apporter cette clareté de communication aux startups locales. J’ai des amis qui ont étudié dans des écoles à l’étranger, leurs contributions à la narration de notre histoire ont toujours ajouté de la valeur à ce que nous faisons ici à Nerve.
Les repatriés comprennent la valeur du “storytelling” et peuvent apporter cette clareté de communication aux startups locales.
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