Notre expert StartupBRICS, Thibaud André vit et travaille en Chine, plus précisemment à Shangaï, où il évolue au milieu des startups locales. Il nous livre aujourd’hui son point du vue sur l’écosystème startup & innovation d’un des pays majeur parmi les BRICS. Car en Chine, aujourd’hui, l’innovation est un sujet brûlant et est officiellement le levier qui doit permettre à la croissance chinoise de conserver sa vitalité. C’est l’une des raisons qui explique le dynamisme des startups chinoises. Des investissements importants sont réalisés pour soutenir ces initiatives. En Chine on voit notamment des magnifiques incubateurs ou parc technologiques fleurir à Shanghai et Pékin sous l’influence des investissements publics.
Startups : en Chine, l’innovation doit briser les barrières culturelles et sociales
Pourtant, les débats sont encore nombreux et la capacité de la Chine et de ses « grands esprits » à fournir des innovations « breakthroughs », des innovations qui révolutionneront le marché mondial, est discuté. J’observe depuis mon arrivée en Chine que beaucoup de ces initiatives sont l’objet de non-chinois, d’expatriés désirant mettre à profit le dynamisme local pour tester et développer leurs idées. C’est notamment ce que l’on a pu observer lors du récent 48h start-up à Pékin, où Startup BRICS a pu participé et qui a mis en lumière des dizaines de startups « Made in China ». Ce qui m’amène à me poser la question : pourquoi les initiatives chinoises ne sont pas plus nombreuses ? Pourquoi si peu de chinois sautent le pas de l’innovation ?
Un retard sur le marché de l’innovation mondiale ?
La deuxième plus grande économie mondiale, qui a inventé la poudre à canon, le compas, l’impression et le papier n’arrive pas à se relancer comme une puissance d’innovation mondiale depuis deux décennie. Des données du ministère des sciences et des technologies montrent que les entreprises étrangères créent 83% de l’export en high-tech en Chine. Le World Economic Forum a classé la Chine comme le 32e état le plus innovant au monde. Cet état de fait a poussé le gouvernement à placer l’innovation au cœur de son nouveau plan quinquennal en 2011, en insistant sur les innovations radicales dans des domaines comme les circuits intégrés ou la nano-technologie.
Dans le China Daily, Bruce McKern, codirecteur du CEIBS (China Europe International Business School) avance que « les chinois ont construit une base de recherche à partir de la copie de technologie. Ils ont commencé à apprendre à innover en copiant. C’est ensuite qu’ils ont amélioré leurs copies avec leurs propres innovations, qui sont devenues peu à peu des innovations réellement incrémentales. »
Une explication culturelle et sociale au manque d’innovation en Chine ?
Regina Abrami se montre elle sceptique face à la capacité chinoise à innover, notamment au travers de petites structures ou start-ups. L’auteure de Why China Can’t innovate soutient que c’est le système académique chinois qui ne permet pas le développement d’esprit critique et novateur. « Un exemple : Les jeunes doctorants chinois sont souvent plus qu’accompagnés par leur professeur référent, qui leur dit sur quoi leurs recherches portera. Cela devient donc plus un apprentissage qu’un réel développement novateur et singulier. Cette influence hiérarchique et des structures déjà en place est très présente dans l’ensemble de la société chinoise et cela est une vrai barrière pour l’innovation ».
De manière générale, le système scolaire chinois encourage l’apprentissage par cœur et absolument pas l’esprit critique. Développer l’innovation et l’esprit start-up en Chine, comme désiré par le gouvernement, ne passera donc pas seulement par des investissements dans les universités ou dans les structures d’aides. Cela passera par un changement dans l’éducation et par l’encouragement de la créativité et de l’esprit d’initiative.
Pour Gong Li, senior managing directeur pour Accenture China, il y a également un problème de stratégie à court terme parmi les innovateurs chinois. « Le développement de recherches et a fortiori d’une start-up novatrice rentable peut prendre des années. Mais les chinois qui investissent veulent aujourd’hui des profits rapides, sinon ils abandonnent et trouvent une nouvelle idée. » On comprend bien ici la difficulté pour le développement de Startups en Chine, ne bénéficiant pas de la puissance d’investissement permettant une rentabilité rapide.
La culture chinoise laisse moins de place au risque et les investisseurs préfèrent travailler avec des entreprises ayant déjà fait leur preuve. Une levée de fond en Chine peut vite se transformer en parcours du combattant, bien souvent perdu d’avance pour les start-ups partant de zéro. En comparaison, au sein de la Silicon Valley, c’est une véritable fierté pour les investisseurs d’exhiber les petites entreprises qu’ils ont contribué à aider, même si le taux de réussite peut être faible.
Alors, quel avenir pour l’innovation en Chine ? Le potentiel entrepreneurial est déjà là : citons la célèbre success story Alibaba, le numéro un chinois du e-commerce dont les ventes devraient atteindre 420 milliards d’USD en 2014, soit plus que celles d’Ebay et Amazon combinées… Est-ce que les investissements puissants de l’Etat chinois suffiront à développer une réelle culture startup novatrice, grâce notamment aux parcs technologiques et aux incubateurs ? Ou est-ce que les barrières culturelles continueront à éloigner les esprits chinois de l’initiative et de la prise de risque ?