Interview cette semaine avec Yann Lebeux, mentor et innovation catalyst au CTIC Dakar. Créé en 2011, le CTIC Dakar est l’un des incubateurs les plus importants et performants d’Afrique de l’Ouest : plusieurs dizaines d’entreprises accompagnées (PME et startups TIC) dont plusieurs sont devenus des pépites régionales, près de 1000 jeunes porteurs de projets sénégalais coachés, une soixante d’évènements organisées, etc. Deux formes d’accompagnement à CTIC : tout d’abord un programme d’incubation pouvant aller à 3 ans pour les jeunes startups nouvellement crées. Ensuite un programme de coaching sur 3 mois destinées aux porteurs de projets encore au stade « idées » : challenger le modèle économique, former les équipes, fabrication et optimisation du business plan, etc. En croissance de chiffres d’affaires cumulés pour ses entreprises incubés, le CTIC Dakar au participé à générer près de 2 milliards de Francs CFA de revenus sur 3 ans, soit une croissance de + 249% entre 2011 et 2013. Un engouement qui ne se dément pas : depuis 2011, un peu moins de 700 prospects et candidats ont été identifiés par le CTIC Dakar.
Hello Yann ! Peux-tu nous présenter le CTIC Dakar ?
Le CTIC a été créé en 2011 à la suite d’une forte impulsion du secteur privé qui souhaitait accélérer le développement des TIC au Sénégal. Différents partenaires publics-privés ont rejoint la boucle notamment la Banque Mondiale ou encore Orange RSE. Nous sommes d’ailleurs l’un des premiers incubateurs francophones soutenu par la Banque Mondiale.
La vision du CTIC est de faire émerger du Sénégal des entreprises TIC au rayonnement international. Pour maintenir notre vision entrepreneuriale et être indépendant des bailleurs, nous bâtissons un modèle économique viable en prenant un pourcentage de la croissance du chiffre d’affaires des entreprises que l’on accompagne. En gros, on regarde la différence de chiffre d’affaires entre l’année 1 et l’année 2. S’il n’y a pas de croissance, la startup ne nous paie pas, s’il y a de la croissance, le CTIC perçoit un pourcentage de la croissance (du delta). Nous partageons vraiment le succès mais aussi l’échec avec nos jeunes pousses. En termes d’incubation en Afrique, ce modèle est vraiment original, car nous ne faisons pas de prises de participation dans le capital des boîtes mais nous ne sommes pas dans le gratuit non plus !
Ce modèle est mieux adapté aux entrepreneurs africains souvent réticents à l’idée d’ouvrir leur capital. Nos résultats après presque 3 ans sont assez intéressants: pour les entreprises incubées au CTIC, la croissance du chiffre d’affaires a été de +85% en 2012 et 37% en 2013. Ce qui prouve qu’avec un minimum d’accompagnement et de structuration, ces entreprises survivent et ont une forte croissance. Nous avons également pu soulever plus de 100 millions de FCFA (150 000 euros) pour nos startups en 2013, majoritairement auprès d’investisseurs privés ou publics locaux.
En 2 ans nous avons accompagné 16 entreprises incubées qui génèrent déjà du chiffres d’affaires et qui pour certaines sont déjà internationalisés dans des pays de la région. En plus du programme d’incubation nous avons développé et mis en place un modèle d’accélérateur, BuntuTEKI (la porte su succès en wolof), dont le but est de prendre des startups au stade produit (pas forcément légalement constituée) et on se donne 6 mois pour donner vie à la startup et lui permettre de devenir une structure viable. Après les 6 mois, les startups les plus solides peuvent entrer dans le programme d’incubation. Nous avons accompagné 34 de startups en accélération à ce jour, principalement dans l’internet, les applications mobiles ou le logiciel.
Quand on parle d’innovation ou de startups en Afrique, on cite souvent le Kenya ou l’Afrique du Sud. Quid du Sénégal ?
Le Sénégal est un pays intéressant sur plusieurs points. De nombreuses entreprises internationales sont présentes ici à Dakar pour couvrir l’Afrique francophone comme Google ou Microsoft qui ont des bureaux ici. En effet, le Sénégal est un pays test intéressant pour couvrir les marchés de la région car il est assez en avance sur certains points : en termes d’éducation, en termes de classes moyennes, de connectivité, d’infrastructures, etc.
Donc pour tester des produits avec une stratégie sous-régionale derrière, le Sénégal est idéal pour se positionner. Notre vision au CTIC est vraiment de positionner le Sénégal comme un Hub numérique pour l’Afrique francophone, et pour faire du offshoring aussi : les boîtes françaises sont de plus en plus intéressés à développer de l’activité ici plutôt que de partir en Chine. Finalement, la qualité de vie, très bonne à Dakar, joue beaucoup dans l’attractivité du Sénégal.
Peux-tu nous donner quelques exemples de Success Stories qui sont passées par le CTIC Dakar ?
Bien sûr ! Je peux citer par exemple :
–People Input, qui est maintenant l’une des agences digitales leader en Afrique de l’ouest (ils ont notamment réalisé l’application d’Expresso Sénégal, un App store pour le compte d’Orange Cote d’Ivoire ou encore l’Application mobile de Jeune Afrique). Ils ont maintenant une trentaine d’employés et sont installés dans 4 pays dont le Sénégal.
– Niokobok.com, le site de e-commerce qui permet à la Diaspora d’acheter des produits de grande consommation a leurs proches restés au pays. L’entreprise a déjà une base de clients solides et commence à générer un chiffre d’affaire assez intéressant. Ils sont maintenant dans une phase d’expansion pour pouvoir grandir leur modèle sur d’autres filières et peut être d’autres pays.
– Nelam Services qui est derrière le site numéro un du Sénégal pour la culture et les événements, agendakar.com. Ils ont une équipe de 20 personnes. Ils gèrent également la présence digitale de plusieurs groupes ainsi que NoSmokeRevolution, une campagne digitale de grande envergure financée par une fondation américaine dans le but de faire passer une loi anti tabac au Sénégal – et ça marche !