#Innovation : Le Brésil, terre de défis d’argent et d’opportunités en or

12744505_10208843087575509_7436264701583165946_nIl y a les scandales politiques et les scandales financiers ; il y a l’analphabétisme, la corruption, la récession ; il y a la pollution, la criminalité et l’insécurité … Voilà, en quelques mots, ce que les médias font miroiter de la situation brésilienne alors que les JO ont déjà commencé depuis une semaine. Mais dans un pays où tous les indicateurs économiques traditionnels sont dans le rouge, où l’état politique est inquiétant et la situation sociale en détérioration, dans un pays où les Jeux Olympiques remuent le chaos sociétal, l’espoir repose sur les nouvelles générations. S’il y a un espace où la société civile n’est pas corrompue et où la mal-gouvernance n’a pas droit de cité, c’est celui des startups et des jeunes innovateurs brésiliens qui incarnent déjà une nouvelle relève. Par Charlotte Burrier, Connector StartupBRICS à São Paulo.

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8,5 millions de kilomètres carrés. 205 millions d’habitants. 40% d’accès internet au sein de la population. La transition vers le smartphone bien entamée, avec une croissance du taux de possession de smartphone de 36% en 2014 selon eMarketer. Un secteur e-Commerce en pleine expansion, avec une croissance de 24% des achats en ligne en 2014 selon E-bit, boosté par une classe moyenne dépassant les 95 millions de Brésiliens en 2014. En quelques chiffres, telles sont les ressources hors normes du pays continent – le Brésil.

Plaque tournante de la tech en Amérique latine, le Brésil n’est pourtant pas le paradis des affaires. Les entrepreneurs, brésiliens ou internationaux, y font face à des difficultés majeures. Au sommet de celles-ci, les taxes, la bureaucratie, et l’accès réduit au crédit et autres options de financement. Vertigineuses, nombreuses, et globalement incompréhensibles, les taxes sont lourdes et le système correspondant totalement opaque (allant de 40% à 60% du revenu selon les sources). Dissuasive mais inévitable, la bureaucratie brésilienne s’introduit dès les premières étapes de vie d’une startup, alors que la création d’une entreprise prend au minimum deux mois au Brésil. Quant au crédit et autres financements ; dû à des précédents abus et fraudes financières, le taux d’intérêt annuel pour un emprunt peut dépasser les 100% (inenvisageable pour une startup innovantes, qui prend tous les risques), et le recours à une structure d’actionnariat est rendu complexe par la législation.

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Pourtant, les accélérateurs ne manquent pas au Brésil. Le gouvernement fédéral a mis en place Startup Brasil en 2013 (qui investit jusqu’à R$200K dans les entreprises sélectionnées), en partenariat avec l’accélérateur 21212 (jusqu’à R$50K), ainsi qu’Inovativa Brasil. Il existe des organisations de business angels comme Anjos do Brasil ; il existe également de nombreux investisseurs en capital-risque. Bien que prudents depuis l’échec de startups à fort potentiel financées largement par capital-risque en 2010, et d’autant plus depuis ces derniers mois, qui ont vu le Brésil s’enfoncer dans sa pire récession depuis 1930, ces investisseurs restent une aubaine pour pallier les obstacles financiers typiquement brésiliens.

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Pour preuve, Goldman Sachs a récemment injecté 35 millions de reais (10 millions d’euros) dans un second round d’investissement dans la startup tech CargoX, qui fait le lien entre les entreprises et une flotte de 100 000 conducteurs de camion indépendants. Plus positif encore, le Sénat a approuvé en 2013 un projet de loi qui introduit une exemption fiscale en faveur des entreprises digitales aux revenus trimestriels bruts inférieurs à 30 000 dollars (22 000 euros).

Le réel défi brésilien prend ses racines dans l’éducation. La plupart des entreprises digitales se heurtent à une pénurie de main d’œuvre qualifiée et talentueuse : que ce soit en termes de gestion des marques et des produits, de profils commerciaux, de compétences en ingénierie spécialisée, d’expertise en interface utilisateurs, de talents d’entrepreneurs, ou d’ambitions à échelle globale, les ressources humaines sont limitées. En 2014, 63% des employeurs au Brésil, majoritairement dans le secteur des tech, ont eu des difficultés à trouver les talents adaptés à leurs besoins – en comparaison à une moyenne globale de 35% (ManPowerGroup Inc.). En effet, seulement 12% des Brésiliens (25-34 ans) sont en 2014 en possession d’un diplôme universitaire, contre 40% des Etats-Uniens et 65% des Sud-Coréens.

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Le gouvernement saura-t-il mettre en œuvre les mesures nécessaires pour favoriser l’immigration de talents internationaux et pour favoriser l’accès à une éducation supérieure digitale ? Ou les startups d’e-éducation prendront-elles le relai – devançant le gouvernement – et créeront-elles elles-mêmes l’offre de main d’œuvre digitale qualifiée et compétente correspondante à leur propre demande ? Quelle que soit la question la plus pertinente, les jalons sont posés. Le Brésil entame son cycle de troisième génération de startups, et les années à venir seront sans le moindre doute charnière dans la construction du tissu entrepreneur latino-américain. Si les opportunités d’entreprendre et d’investir en finance risquent de s’amoindrir, celles d’entreprendre et d’investir dans la tech vont au contraire exploser. Reste à savoir si la ruée vers l’or sera menée par les Brésiliens… ou par les expatriés.

About Charlotte Burrier

Entreprenariat social, innovation, leadership – trois mots, une ambition. En dernière année de Master en International Management à la Fundação Getúlio Vargas de São Paulo, Charlotte a étudié les quatre précédentes années à Sciences Po Paris, au sein du programme Europe-Afrique pour sa licence, puis en première année d’Economics and Business. Co-fondatrice de l’association Loi 1901 Stagiaires Sans Frontières à Sciences Po en 2012, association qui propose des stages fondés sur des partenariats entre entreprises privées et organisations caritatives, Charlotte a ensuite travaillé pour l’Institution de Microfinance SIZA Capital SA à Johannesbourg, Afrique du Sud. Devenue membre du Conseil d’Administration de l’Institution à 20 ans, elle retourne ensuite à Paris pour entamer son Master en double-diplôme et travaille en parallèle avec Sunna Design sur un projet de lancement d’électrification solaire rurale en Afrique de l’Ouest. C’est lors de cette première année de Master qu’autour de discussions passionnées sur l’entreprenariat social et l’Afrique, Charlotte rencontre Perrine, puis, grâce à elle, le fondateur de StartupBRICS Samir. Enthousiasmée par l’équipe et séduite par le dynamisme de StartupBRICS, c’est ainsi que Charlotte se lance dans l’aventure StartupBRICS et s’engage pour défricher l’Amazonie des startups tech brésiliennes.