« La diaspora chinoise représente déjà en 2014 plus que la population française vivant en France. » Le décor est d’emblée posé sur la scène du Pullman Stage, lors du talk de clôture donné cette année à LeWeb par Yat Siu, le CEO de la startup hong-kongaise Outblaze. Venu présenter un panorama des écosystèmes Tech en Asie – avec un focus particulier mis sur la Chine – Yat Siu est revenu rappeler aux écosystèmes numériques européens pourquoi et surtout comment l’Asie (au sens très large, continental du terme : Yat Siu inclut dans l’Asie le Proche et Moyen Orient ainsi que la Russie) est devenu en l’espace de quelques années l’un des moteurs de la croissance digitale mondiale, qui concentre aujourd’hui 60% des utilisateurs d’internet dans le monde. Comment tirer profit de ce gigantesque potentiel, à l’heure où la Chine vient de se hisser à la première place du club très fermé des 5 premières puissances économiques mondiales, devant les Etats Unis ? Pourquoi les Startups Tech asiatiques commencent elles aussi à inspirer et conquérir l’Occident ? Comment les Diasporas Tech ont servi d’accélérateur d’innovation et de passerelles entre la Silicon Valley et la Chine ? StartupBRICS était présent à LeWeb Paris 2014, et Yat Sui est venu apporter quelques éléments de réponse.
Prendre et comprendre l’Asie dans son ensemble : 49 pays qui concentrent 4 milliards d’habitants, Chine et Inde en tête
Oui les chiffres sont impressionnants. Avec 43 810 582 km2de terres et 4,3 milliards d’habitants, l’Asie est tout simplement le plus grand des continents. Le taux de pénétration internet n’est « que » de 34% mais à l’échelle cela représente 1,3 milliards d’intenautes asiatiques. Avec les conséquences que l’on peut imaginer : en Chine, le e-commerce explose littéralement depuis 3 ans (contrairement à l’Inde plus en retrait). Ainsi l’Empire du milieu compte déjà 322 millions de e-shoppers (plus que la population américaine totale !) et dans ce pays les ventes en ligne devraient atteindre 650 milliards d’US$ en 2020.
Un des principaux facteurs du succès entrepreneurial asiatique : la puissance des Diasporas Tech
L’histoire personnelle même de Yat Siu est en soi intéressante : né en Autriche de parents chinois, c’est à Vienne qu’il a grandi, étudié, s’est formé à l’informatique. Acquérant très rapidement un solide background technique, il sent monter le potentiel de sa région d’origine au milieu des années 90. Estimant avoir les reins suffisamment solides, Yat Siu retourne en Asie, plus précisemment à Hong Kong en apportant une nouvelle vision business, malgré les obstacles, et les multiples blocages et barrières à l’entrée. Choc culturel oblige.
Mais il deviendra rapidement un serial entrepreneur, porteur d’une expertise et d’une vision nouvelle. Un exemple assez représentatif de ce qu’il qualifie dans sa présentation les « Sea Turtle » : ces talents de la diaspora chinoise et leurs enfants partis vivre, travailler ou se former aux meilleures universités étrangères (principalement aux Etats Unis, même si la répartition est globale). La première moitité du 20 ème siècle fut un siècle douloureux pour des pays comme la Chine, le Japon, la Corée. Entraînant d’importantes vagues d’émigration.
Cette immense diaspora (une soixantaine de millions de chinois vivrait à l’étranger selon Yat Siu) aujourd’hui se mobilise pour participer à l’essor économique de leur région d’origine. Ils sont depuis la seconde moitié des années 90, de plus en plus nombreux à revenir se positionner et jouer un rôle dans le boom économique de leur pays : en tant que Top executives en charge de créer et développer en Asie les filiales locales de multinationales, en tant qu’entrepreneurs, en tant qu’investisseurs apportant dans leur bagages plusieurs contacts noués dans la Silicon Valley…
Ils bénéficient ainsi à plein de l’ouverture économique et technologique de la Chine, et de la volonté de ce pays de faire revenir les meilleurs talents.
Autre point important : le Soft power. Les diasporas sont également des passeurs de culture, de tendances. Au fil des années, ces communautés ont en quelque sorte contribué à rendre leur pays d’accueil plus ouverts à l’Asie, à travers la culture ou la gastronomie.
« The return of the Sea Turtles » : comment la Diaspora Tech connecte l’Asie de l’innovation au reste du monde
Proche des valeurs occidentales tout en restant profondément attaché à leur culture d’origine, cette Diaspora Tech revient de plus en plus en Chine. Un mouvement de fond que Yat Siu appelle the return of the Sea Turtles, ou « le retour des tortues de mer », qui rapportent avec eux la culture entrepreneuriale occidentale, pour l’adapter aux réalités business locales.
Une des raisons de la fameuse culture du « Copy Cat » présente en Chine, ces innombrables produits, plateformes ou même idées de startup venus des Etats Unis et clonés purement et simplement, pour être commercialisés localement puis à l’international. Mais une culture qui contrairement à de nombreuses idées reçues évolue, s’enrichit, se transforme en générant de l’innovation. La Chine est certes le pays du Copy Cat laisse deviner Yat Siu, mais la nation qui vu naître la success story mondiale Alibaba est de plus en plus un pays qui innove. Yat Siu s’appuie sur pour démontrer cela sur un indicateur qu’il juge parmi les plus intéressants : le nombre de dépôt de brevets. En 2013, la Chine était le 3ème plus gros déposant de brevets dans le monde, avec 21,516 dossiers derrière le Japon et les Etats Unis.
Cette innovation devient indispensable pour rester compétitif en Chine : de plus en plus de startups locales se positionnent sur de nombreuses niches de marché, et entrent forcément en concurrence entre elles. Tencent contre Alibaba et Baidu, Ctrip contre Qunar, etc. Innover en Chine devient donc nécessaire non seulement pour gagner de nouveaux utilisateurs, séduire des investissements mais aussi tout simplement pour rester en vie face à une concurrence domestique très importante. Et c’est en partie pour cette raison que de plus en plus de startups chinoises sont à la recherche de partenaires et de relais internationaux pour sortir de marchés devenus ultra-concurrentiels et où générer de la traction continue sur un segment de niche devient de plus en plus difficile sans adapter en permanence sa proposition de valeur et affiner sa différentiation. De la « fusion » des meilleures innovations venus de Chine, d’Europe et de la Silicon Valley naîtront les startups de demain.
« Reverse Innovation », essor des Hardwares startups… : nouvelles étapes des relations Asie-Occident dans le numérique ?
La supply chain technologique chinoise est parvenue au fil des années à s’inscrire dans un schéma de production, de commercialisation et de valorisation de l’innovation à l’échelle mondiale. Pour Yat Siu, KickStarter, la plateforme de financement participative qui permet aux innovateurs proposant des startups hardwares de lever des fonds partout dans le monde et de faire décoller leurs idées ne pourrait fonctionner sans la possibilité offerte par la Chine de fabriquer à moindre coûts et en quantité limitée toutes sortes de devices hardwares, notamment à Shenzen (objets connectés, gadgets, etc.).
Aujourd’hui concrètement des entrepreneurs Hi-Tech basés n’importe où dans le monde et qui ont une idée peuvent venir à Shenzen créer un prototype en quantité ultra-limitée, réaliser une vidéo promotionnelle et essayer de lever des fonds sur KickStarter. Si l’idée séduit et attire une première communauté d’Early Adopters, ils peuvent rapidement lever plusieurs dizaines de milliers de dollars et passer à l’échelle, avec l’aide d’incubateur hardware locaux comme HAXLR8R.
Quelles seront les meilleures Tech Startup en 2020 ? Pour Yat Siu, elles viendront d’Asie, il s’agira sans doutes de startup qui « fusionneront » les meilleures innovations venus de l’Ouest et de l’Est. En citant l’exemple de champions locaux comme WeChat lequel pourrait bien demain dominer le marché des messengers App et du m-commerce en Europe ou aux Etats-Unis.